Just, Stéphane. Bibliografía en red (en francés)

Notice biographique

1965 

Défense du Trotskysme (I)

1969

Stalinisme et gauchisme

1971

Défense du Trotskysme (II)

 

Le gouvernement ouvrier et paysan

1972

Préface à "Les syndicats à l'époque de la décadence impérialiste"

 

 

Conférence nationale des militants pour le gouvernement ouvrier

1973

Préface à "Les marxistes contre l'autogestion"

1976

Objectif - subjectif

 

A propos des « 25 thèses sur "La révolution mondiale" » d'E. Mandel

1977

Fronts populaires d'hier et d'aujourd'hui (avec Ch. Berg)

1979

A propos d'une possibilité théorique et de la lutte pour la dictature du prolétariat

1980

La grève générale et la question du pouvoir

 

La grève générale de mai-juin 1968 est venue de loin

1981

Les "nationalisations"

1983

Aperçus sur les crises à l'époque
impérialiste (I)

1985

Les syndicats, la crise de l’impérialisme et la nouvelle période de la révolution prolétarienne

1996

À propos de la mondialisation du capital" 

Une nouvelle perspective

 

Une nouvelle perspective

IXÈME CONFÉRENCE DU COMITÉ POUR
LA CONSTRUCTION DU PARTI OUVRIER RÉVOLUTIONNAIRE,
DE L’INTERNATIONALE OUVRIÈRE RÉVOLUTIONNAIRE UNE NOUVELLE PERSPECTIVE
Sommaire
(RAPPORT ÉCRIT EN OCTOBRE 1996 ET ADOPTÉ LES 22 ET 23 MARS 1997)

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Accueil UNE NOUVELLE PERSPECTIVE

Ce document a été adopté par la IXème Conférence du Comité pour la Construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire, la Construction de l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire les 22 et 23 mars 1997.

Toutes les analyses de la situation internationale réalisée par le Comité pour la construction du parti ouvrier révolutionnaire, la construction de l’Internationale ouvrière révolutionnaire depuis sa constitution l’ont été sur la perspective de la conjonction de la révolution sociale et de la révolution politique. C’est en référence à la grève générale à caractère révolutionnaire de mai-juin 1968 en France, elle-même sommet d’un puissant développement de la lutte des classes dans les pays capitalistes, et du mouvement du printemps et de l’été 1968 en Tchécoslovaquie faisant suite aux puissants mouvements à caractère révolutionnaire de juin 1953 dans la partie Est de l’Allemagne, de la Pologne en 1956, à la révolution hongroise des conseils de novembre-décembre 1956, que cette perspective était ouverte.

SITUATION, CRISE, RÉVOLUTION DANS LES PAYS CAPITALISTES

Sommaire
La crise du système capitaliste s’est affirmée au cours des années suivantes notamment par la ruine du système monétaire institué à Bretton Woods, aboutissant aux accords de la Jamaïque (monnaies sans référence à l’or, institution des changes flottants) et la suite (voir le texte: "A propos de la mondialisation du Capital"). Engagé dans une guerre, à l’évidence impérialiste, au Vietnam, l’impérialisme US a subi une dure défaite politique.

Crises et mouvements révolutionnaires se sont succédés. Pour ne signaler que les principaux :

- Au Chili, élection le 14 septembre 1970, à la présidence de la République de Salvator Allende. Elle a préludé à des développements révolutionnaires qui se sont produits au cours des années 72 et 73 et auxquels ont répondu le coup d’État de Pinochet, l’assassinat d’Allende et l’instauration de la dictature militaire.

- A partir du 25 avril 1974, révolution portugaise, son impact a, pour le moins, contribué à la chute du régime de la dictature des colonels en Grèce (24 juillet 1974) et au moment de l’agonie de Franco et de sa mort (20 novembre 1975) à l’escamotage du régime franquiste auquel a succédé la monarchie constitutionnelle de Juan Carlos.

- Au cours des années 70/80 l’Amérique Latine a été secouée par de puissants mouvements de classe qui ont souvent pris un caractère révolutionnaire. A partir de 1976 développement au Nicaragua d’un processus qui a abouti à la prise du pouvoir par les armes en juin 1979 par le Front Sandiniste. Dans toute l’Amérique centrale le pouvoir et les gouvernements en place en ont été ébranlés et ils ont été confrontés à de puissants mouvements. Au Salvador notamment s’est constitué le Front de Libération Farabundo Marti qui à l’exemple du Front Sandiniste a engagé la lutte armée contre le pouvoir en place. Le 2 février 1986, à Haïti, Duvalier a été chassé du pouvoir et a dû s’exiler sous la pression des masses. Dans nombre de pays d’Amérique du Sud se sont produits de puissants mouvements de classe, se sont ouvertes des situations révolutionnaires.

- Décembre 1978, en Iran : début de la révolution qui a chassé du pouvoir le shah d’Iran.

-Au Moyen-Orient la lutte du peuple palestinien n’a pas cessé au cours de ces années.

- A la fin et à la suite de la décolonisation, la plupart des pays d’Afrique ont été déstabilisés ; lieu de conflits et de luttes souvent très confuses. En Afrique du Sud, le soulèvement des étudiants noirs de Soweto le 14 juin 1976 contre l’obligation d’apprendre et d’utiliser la langue afrikaner dans l’enseignement leur coûte 23 morts et plus de 200 blessés. Ce fut le point de départ du combat qui aboutira à ce que l’ANC accède au pouvoir.

- Aux Philippines, la mobilisation des masses, entre le 15 et le 25 janvier 1986, a contraint Ferdinand Marcos à renoncer au pouvoir et à s’exiler.

- De grandes luttes de classe, grèves, manifestations ont eu lieu dans les principaux pays capitalistes d’ Europe, sans qu’ils atteignent le niveau de crise révolutionnaire ouverte.

- Aux USA les années 70 sont marquées par de puissants mouvements contre l’intervention militaire au Vietnam, par les mouvements des noirs, le scandale du Watergate, lequel contraint Nixon à démissionner, le 8 août 1974, de la présidence de la république. Le scandale du Watergate ouvre une crise du pouvoir aux USA.

Les années 80 sont au contraire aux USA marquées par le triomphe de la réaction sous les mandats de Reagan et Bush.

CRISE, SITUATION RÉVOLUTIONNAIRE, RÉVOLUTION, EN EUROPE DE L’EST

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Au cours de ces années s’est manifestée avec plus de force et de clarté encore la crise de la bureaucratie du Kremlin, des bureaucraties satellites, celle de la bureaucratie chinoise etc... bref, celle des bureaucraties monopolisant le pouvoir politique et la gestion économique dans les pays où le Capital avait été exproprié.

- A peine la normalisation était-elle réalisée, à la suite de l’invasion le 20 août 1968 par les troupes du pacte de Varsovie, de la Tchécoslovaquie, qu’en réplique à la hausse des prix des produits de consommation courante, décrétée par le gouvernement Gomulka, des grèves ont éclaté dans les ports de la Baltique. Face à la répression une véritable insurrection s’est déclenchée. Les 14 et 15 décembre les travailleurs de la côte balto-polonaise ont pris d’assaut les locaux du P.O.U.P. et de la police politique. Le gouvernement Gomulka a réprimé brutalement et de faon sanglante ce mouvement (plus d’une centaine de morts et des centaines de blessés) en utilisant les tanks. Mais le mouvement de grève a commencé à s’étendre en d’autres régions de Pologne. La bureaucratie polonaise a reculé. Gomulka a été révoqué de la direction du P.O.U.P. et du gouvernement polonais, Gierek lui a succédé. Il a reculé face aux travailleurs en annulant les hausses de prix et en engageant un dialogue historique avec ceux de Szczecin au cours d’un vaste rassemblement (24 janvier 1971). Ultérieurement, il a tout remis en cause.

- En Pologne d’autres mouvements se sont déroulés au cours des années 70. Le 24 juin 1976 le gouvernement Gierek décide à son tour une hausse des prix. Le 25 les travailleurs de l’usine mécanique d’Ursus près de Varsovie et de Radom se sont mis en grève. Gierek a reporté la décision de hausse des prix mais il déclenche une répression brutale contre les travailleurs d’Ursus et de Radom. Par dizaines et centaines ils furent arrêtés et condamnés. C’est pour lutter contre la répression que s’est construit le "KOR" (Comité pour la défense des ouvriers) lequel a joué un rôle politique considérable dans la préparation de la grève générale d’août 1980.

- En URSS, il faut noter la publication du Samizdat et la formation d’une opposition intellectuelle.

- A nouveau en Pologne l’annonce le 1er juillet 1980 de la hausse des prix de la viande a déclenché au cours de ce mois des mouvements revendicatifs. Le 14 août commence au chantier naval de Gdansk la grève qui va s’étendre et aller vers la grève générale de l’ensemble des travailleurs polonais. Cette grève se termine par les "accords de Gdansk" (signés le 31 août) entre le comité de grève de Gdansk que préside l’agent de l’Église Walesa et les représentants du gouvernement de la bureaucratie polonaise. La bureaucratie cède à certaines revendications des travailleurs. Ces accords reconnaissent le droit aux travailleurs à s’organiser syndicalement, mais en même temps, de facto, la pérennité de la bureaucratie, de son pouvoir, de ses institutions. Ils ne sont pas viables. Le coup d’état de Jaruzelski du 13 décembre 1981, instituant "l’État de Guerre" et proclamant un "conseil militaire de salut national", dissolvant "Solidarnosc", jetant en prison des milliers de militants, d’intellectuels, conclut les "accords de Gdansk". Il n’empêche que la grève d’août 80 porte un coup à la bureaucratie polonaise dont elle ne se relèvera pas. Elle retentit dans tous les pays de la partie Est de l’Europe et aggrave considérablement la crise de la bureaucratie du Kremlin.

L’ANNÉE 1989

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Au début des années 80, l’impasse de la bureaucratie du Kremlin est totale sur tous les plans. La crise de la bureaucratie fait alors un saut qualitatif. Gorbatchev, secrétaire général du PCUS depuis mars 1985, tentant de surmonter cette crise par la "Perestroïka" et la "Glasnost" : une politique de capitulation totale devant l’impérialisme, l’impérialisme américain essentiellement. Loin d’être surmontée, la crise de la bureaucratie en était accélérée : le relâchement introduit dans le monolithisme de l’appareil politique et étatique stalinien libérait des forces centrifuges disloquantes. Le mouvement des masses exacerbait cette crise et s’engouffrait dans les failles qui apparaissaient. Ainsi, du 10 au 20 juillet 1989, c’est la grève des mineurs du Kouzbass (Sibérie) puis du bassin du Don (Ukraine). Gorbatchev reconnaît que la situation met en péril le "rôle dirigeant du parti" et annonce l’achat à l’étranger de biens de consommation, notamment alimentaires, en quantités massives. Le 24 juillet, il déclare devant le "Soviet" suprême que la grève des mineurs est "l’épreuve la plus difficile qu’ait connue la Perestroïka". En août 89, de puissantes manifestations de masses ont lieu dans les pays baltes et en Moldavie. Au même moment, par centaine puis par milliers, des Allemands de l’Est de l’Allemagne passent à l’Ouest via la Hongrie, l’appareil bureaucratique de Hongrie se fissurant à vue d’œil. En septembre 1989, avec l’ouverture de la frontière austro-hongroise, ce sont plus de 25 000 Allemands de l’Est, surtout des jeunes, qui fuient la soi-disant "RDA". Le 25 septembre, à Leipzig, a lieu une première manifestation de 8 000 travailleurs et jeunes. En octobre, les manifestations hebdomadaires "du lundi" regroupent un nombre croissant de participants : 100 000 le 16 octobre, 300 000 le 23 octobre. Fin octobre, les manifestations deviennent quotidiennes. Le 30, 500 000 manifestants au moins défilent dans l’Est de l’Allemagne. La crise du régime bureaucratique ne peut plus être colmatée. Le 6 octobre, Gorbatchev est venu à Berlin-Est réaffirmer son attachement au statu quo, mais le 18 octobre, Honecker est remplacé par Krenz à la tête du SED, l’appareil stalinien de l’Est de l’Allemagne; Gorbatchev a refusé toute intervention des troupes de l’URSS. Dès lors tout s’enchaîne : en Tchécoslovaquie, à partir du 28 octobre, les manifestations qui avaient été réprimées en août reprennent avec une ampleur croissante tandis qu’elles se poursuivent en Allemagne. Finalement, le 9 novembre, les Allemands de Berlin-Est traversent en masse un mur que plus personne ne défend; le SED et le pouvoir bureaucratique se délitent ; le 13 novembre, Hans Modrow, membre de l’appareil du SED, devient chef du gouvernement d’une "RDA" moribonde. Les manifestations se poursuivent et le 20 novembre à Leipzig le mot d’ordre est celui de la réunification.

Dès août 1988 ont lieu d’importantes manifestations en Tchécoslovaquie ; le 17 novembre, a lieu une manifestation de 30 000 étudiants et lycéens, la plus importante depuis 20 ans. Du 19 au 26, les manifestations sont quotidiennes : 300 000 manifestants le 24. Le 27, c’est une grève générale de deux heures ; le 29, le rôle dirigeant du PCT, le parti stalinien tchèque, est abrogé. Le 1er décembre, c’est celui du SED allemand qui est abrogé, le 5 décembre, les manifestants occupent les locaux de la STASI, la police politique, dans de nombreuses villes ; le lendemain Krenz quitte le pouvoir. Le 11 décembre, en Tchécoslovaquie, commence la démolition du rideau de fer. Quatre jours auparavant, sous la pression de la rue, le gouvernement conduit par Ladislas Adamec démissionne ; il avait duré quatre jours.

Les autre pays voient durant cette période se développer des processus analogues : en Hongrie, d’importantes manifestations ont eu lieu en mars et en juin 1989 ; en Bulgarie, de puissantes manifestations ont lieu en novembre et décembre 1989, d’autres manifestations et grèves en juin et novembre 1990, puis en mars, avril et mai 1991 tandis que se succèdent les présidents et chefs de gouvernements ; finalement, après deux années d’une crise ouverte qui le disloque, l’appareil stalinien replâtré en PSD doit abandonner le gouvernement.

En Roumanie, après les émeutes ouvrières à Brassov (novembre 1987) puis les manifestations violentes à Timisoara (décembre 1989), la situation transite vers une situation révolutionnaire : les manifestations se poursuivent en dépit de la répression ; le 21 décembre, la foule conviée à soutenir le "Conducator" se retourne contre lui ; le lendemain, des militaires fraternisent avec les manifestants tandis qu’est proclamé l’état d’urgence ; Ceausescu abandonne le pouvoir alors que de violents combats ont lieu entre l’armée et une partie de la police secrète, la Sécuritate, restée fidèle au dictateur stalinien. Le 25 décembre est annoncée l’exécution de Ceausescu et de sa femme sur ordre d’une des fractions de la bureaucratie. Sans parler même ici du prolétariat de l’URSS, ce rappel succinct montre à l’évidence que ces régimes bureaucratiques de l’Est de l’Allemagne et de l’Est de l’Europe, vassaux de la bureaucratie du Kremlin dont ils étaient une excroissance, sont tombés sous le coup des masses. Certes ces régimes étaient dans une impasse totale ; certes ils ont été lâchés par la bureaucratie du Kremlin elle même en crise ; encore a-t-il fallu que le prolétariat et la jeunesse montent à l’assaut du pouvoir de la bureaucratie.

L’ensemble de ce processus a constitué un mouvement révolutionnaire qui pouvait être la préface à la révolution politique, à la prise du pouvoir par le prolétariat pour instaurer sa dictature, la démocratie des Soviets. La révolution politique était bel et bien à l’ordre du jour. Axer nos analyses et notre politique sur la perspective de la conjonction de la révolution sociale et de la révolution politique a été justifié par le développement de la lutte des classes aussi bien dans les pays capitalistes que dans ceux sous le joug de la bureaucratie du Kremlin et de ses satellites.

DES MOUVEMENTS COMPLEXES ET CONTRADICTOIRES

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Mais il faut constater que ce ne sont pas seulement la pression et l’action du prolétariat qui se sont exercées sur les bureaucraties parasitaires et contre-révolutionnaires ; la pression de l’impérialisme et de la bourgeoisie internationales s’est également exercée sur elles, sur les pays de la partie Est de l’Europe, sur le prolétariat lui-même ( isolement du marché mondial et de la division internationale du travail, course aux armements, etc...). Tandis que la course aux armements ouvrait un débouché à l’économie capitaliste menacée d’une crise disloquante, elle était insupportable pour l’économie de l’URSS et des pays de la partie Est de l’Europe, économie de plus gérée par la bureaucratie du Kremlin et ses satellites.

De toute façon la tendance fondamentale des bureaucraties parasitaires et contre-révolutionnaires est d’aller dans le sens de la restauration capitaliste. Gorbatchev au pouvoir s’est très rapidement orienté dans ce sens pour tenter de franchir l’impasse dans laquelle se trouvait la bureaucratie du Kremlin. Main tendue à l’impérialisme, fin de la course aux armements et coopération avec lui pour le règlement des conflits régionaux ; "Perestroïka" c’est à dire premier pas vers "l’économie de marché" (la restauration de l’économie capitaliste), "Glasnost" c’est à dire une libéralisation politique limitée et contrôlée. Dans les différents pays de la partie Est de l’Europe, à des degrés divers une orientation correspondante était adoptée. La Hongrie s’était engagée la première sur la voie de la "Perestroïka".

Les prolétariats ont été la force de frappe des mouvements révolutionnaires qui ont eu lieu dans la partie Est de l’Europe. Ce sont eux qui ont disloqué, fait s’effondrer le pouvoir des bureaucraties parasitaires et, par ricochet, qui ont déstabilisé la bureaucratie du Kremlin. Les aspirations et les revendications de ces prolétariats, de ces mouvements se situaient sur l’axe de la révolution politique. Pourtant ces mouvements étaient loin d’être chimiquement purs. Ils ont subi la pression de la bourgeoisie internationale, de l’impérialisme, et ont été pénétrés par les forces restaurationnistes existantes dans les pays où le capital avait été exproprié. Ils ont subi l’attraction des vitrines des pays capitalistes dominants. De plus, de façon immédiate, le prolétariat revendiquait les libertés démocratiques élémentaires compatibles avec la démocratie bourgeoise. La lutte pour se libérer de l’oppression et de l’exploitation qu’exerçait sur ces pays la bureaucratie du Kremlin, posait des questions nationales, la dictature des bureaucraties parasitaires valorisait le parlementarisme bourgeois.

La dislocation de la bureaucratie du Kremlin et des bureaucraties satellites, leur chute, n’ont pas liquidé, fait disparaître les conséquences de l’exercice du pouvoir par ces bureaucrates. Celles-ci s’identifiant au marxisme, à la Révolution d’Octobre, au bolchevisme, à la dictature du prolétariat, elles ont contribué à les discréditer. La bureaucratie du Kremlin a réussi à couper le prolétariat de l’URSS de sa propre histoire, de la Révolution d’Octobre 1917. Elle a exterminé systématiquement tout ce qui pouvait le relier à la révolution, à ses traditions, à son histoire.

Dans les pays de la partie Est de l’Europe le mouvement ouvrier a été liquidé, exterminé par les partis, les organisations staliniennes et le appareils d’État. En même temps à l’étranger étaient assassinés, exterminés par les agents de Staline, par Hitler ceux, dont Trotsky, qui se battaient dans la tradition bolchevique, dans la tradition d’Octobre 1917, pour construire des partis ouvriers, une internationale ouvrière révolutionnaire. La IVème Internationale, constituée par Trotsky, et ses organisations n’ont pas réussi à s’implanter profondément dans la classe ouvrière et la jeunesse, à se construire. Finalement le révisionnisme (Pabliste d’abord, de diverses sortes ensuite) les a rongées, décomposées et détruites.

LA DIRECTION DES MOUVEMENTS DE LA PARTIE EST DE L’EUROPE

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Typique est le processus de la grève générale d’août 80 en Pologne. La force qui combat c’est indiscutablement la classe ouvrière, mais ce sont les agents directs de la hiérarchie catholique qui contrôlent et dirigent le mouvement, ce sont eux qui prennent en mains Solidarnosc. Politiquement le prolétariat, après 36 ans de domination de la bureaucratie polonaise, agent de celle du Kremlin, n’est plus organisé et s’il combat c’est sous la direction d’agents du capital, de la bourgeoisie. Il n’est pas en mesure à ce moment de générer sa propre direction et par conséquence d’avoir sa propre politique. En 1989 dans tous les pays de la partie Est de l’Europe, y compris dans la partie Est de l’Allemagne, le mouvement des masses a été coiffé par des directions petites bourgeoises, souvent liées à la hiérarchie catholiques ou à la hiérarchie protestante. Certaines fois il a été dirigé par des fragments de la bureaucratie en voie de dislocation. Toutes les directions se situaient ouvertement sur l’orientation de la restauration capitaliste. Quant au mouvement syndical il a été contrôlé par des dirigeants se situant sur la même orientation restaurationniste, parfois ce sont les anciens "syndicats" officiels de la bureaucratie qui se sont "reclassés".

Souvent, c’est une fraction de la bureaucratie, voire une fraction majoritaire de la bureaucratie, qui a procédé directement à la "démocratisation", à la "réforme économique". Dans aucun des cas l’ancien appareil d’État n’a été balayé, détruit ; il a simplement été réadapté aux nouveaux régimes politiques et économiques.

Quelques exemples : En Pologne, c’est Jaruzelski qui a organisé les négociations avec Solidarité pour aménager le régime. L’Église catholique a été associée à cette négociation, et contrôlait par ailleurs une partie essentielle de Solidarité. Bien qu’ayant subi une défaite aux élections dites "semi-démocratiques" de juin 1989, le P.O.U.P. put d’abord rester au pouvoir. Le 8 septembre 1989 c’est un homme de l’Église, Maziowiecki qui devenait premier ministre avec un gouvernement composé de ministres du P.O.U.P. (4) de Solidarité (12) et de deux partis bourgeois (4). Les dirigeants de Solidarité investissaient progressivement l’appareil d’ État en le préservant pour l’essentiel. Le 10 janvier 1990, la Pologne entrait officiellement dans "l’économie de marché". Ensuite, jusqu’en novembre 1995, Walesa et ses gouvernements pourront poursuivre la politique de privatisation. Les pouvoirs de l’Église seront également restaurés.

En Hongrie, c’est en septembre 1989 qu’est organisée la transition "vers la démocratie" par le parti stalinien au pouvoir, le PSDH, un an après que Ianos Kadar ait été évincé de sa direction. En octobre 89, le PSDH décide de devenir parti socialiste Hongrois. En avril 1990, l’opposition constituée en "Forum démocratique" accède au gouvernement en s’alliant à des partis dits de droite à la suite d’élections législatives "libres".

En Tchécoslovaquie, deux jours après l’importante manifestation étudiante du 17 novembre durement réprimée, dix-neuf organisations constituent un "Forum civique" qui propose au gouvernement d’engager des négociations. Les manifestations s’amplifiant, la crise du PCT au pouvoir s’exacerbe : éviction de ministres, puis changement de gouvernement, lequel démissionne sous la pression de la rue ; en décembre 89, c’est Husak lui même, président de la République, qui démissionne. A la fin décembre, Alexandre Dubcek et Vaclav Havel qui avaient été acclamés par les manifestants, sont nommés respectivement président de l’Assemblée fédérale et, président de la République. Les élections de juin-juillet 1990, organisées conjointement par le PCT et l’opposition, entérinent la passation des pouvoirs : le "Forum démocratique" remporte une large victoire aux élections législatives, et Vaclav Havel est réélu à la présidence de la République. Incontestablement, en l’absence de parti ouvrier, les travailleurs et la jeunesse ont apporté leur soutien à cette "transition" gouvernementale.

En Bulgarie, l’enchaînement des événements est plus complexe, le parti stalinien s’accrochant au pouvoir (cf Rapport pour la 8ème Conférence du Comité -1ère partie) ; se combinent également crise politique, crise gouvernementale et manifestations de masses ; finalement, à la suite d’élections organisées en octobre 1992, une "transition" est organisée conjointement par l’opposition électoralement victorieuse ("l’Union des forces démocratiques") et le parti stalinien qui, en avril 1990, avait pris le nom de Parti socialiste Bulgare.

Quant à la Roumanie, la liquidation du couple Ceausescu permet la mise en place d’un nouveau pouvoir, le CFSM (Conseil du Front de Salut National) présidé par Ion Illiescu. Petre Roman est nommé premier ministre. Les élections de mai 1990 confirment Illiescu en tant que président de la République et le Front de Salut National comme majorité parlementaire.

Ces rappels indiquent comment le mouvement des masses, aussi décisif ait-il été, a été totalement pris en main, canalisé, dévoyé par et au profit d’organisations restaurationnistes petites bourgeoises, et cela avec l’appui des appareils staliniens ou tout au moins de fractions essentielles de ceux-ci. Ne pouvant plus tenir les rênes du pouvoir, la bureaucratie stalinienne a fait le choix systématique de liquider ce qui restait d’État ouvrier, de réintroduire le capitalisme en passant le relais, le plus souvent à des organisations petites bourgeoises. Tel est le prix du désarmement politique de la classe ouvrière.

EN U.R.S.S.

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En URSS, c’est aussi le prolétariat qui a été la force de frappe du mouvement qui a disloqué la bureaucratie du Kremlin. Ce mouvement a eu pour objectif les droits nationaux des peuples qui composent l’URSS, y compris le droit à la sécession. Au début de 1988, les mouvements nationaux avaient atteint une telle puissance que la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, la Géorgie et l’Arménie proclamaient leur indépendance totale. D’autres Républiques se proclamaient souveraines : la Fédération de Russie, l’Azerbaïdjan, l’Ouzbékistan, la Turkménie, le Tadjikistan, la Moldavie, la Biélorussie, l’Ukraine. Pour les deux Républiques restantes, l’une, le Kazakhstan adoptait une loi d’indépendance économique, l’autre, la Kirghizie préparait un projet de loi de déclaration de souveraineté.

Ces mouvements pour les droits nationaux débouchèrent sur la réunion à Minsk en décembre 1991. Les représentants de la Russie, de la Biélorussie et de l’Ukraine dissolvaient l’URSS et proclamaient la Communauté des États Indépendants ouverte à tous les États de l’ex-URSS.

Les revendications nationales si importantes soient elles sont un terrain où la classe ouvrière peut être relativement facilement phagocytée, si une avant-garde ouvrière ne lui ouvre pas la voie de la Révolution prolétarienne.

LA GRÈVE DES MINEURS : 11 AU 26 JUILLET 1989

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En fait la corporation minière sembla pouvoir le faire. Du 11 au 26 juillet 1989, les centaines de milliers de mineurs de l’URSS engagèrent spontanément une puissante grève. Le mouvement débuta dans le bassin du Kouzbass. Dès qu’ils débrayèrent les mineurs constituèrent leurs comités de grève et rejetèrent les "syndicats" officiels. Le correspondant du Monde à Moscou écrivait dans le numéro du 18 juillet : "Dans toutes les villes le meeting est permanent, généralement devant les bâtiments du parti et jusque dans les quartiers les plus reculés, les haut-parleurs diffusent informations et communiqués. Comme ceux qu’on entendait samedi 15 juillet dans les rues de Prokopievsk où les ouvriers ont entrepris de "perquisitionner les appartements des dirigeants locaux" (...)"Dans ces villes du Kouzbass, d’où la milice a pratiquement disparu, ce sont les détachements de grévistes qui patrouillent chassant ici d’étranges philanthropes qui venaient offrir de la Vodka aux occupants d’un puits, interdisant partout l’accès des débits de boissons et faisant régner un tel ordre que les responsables régionaux du ministère de l’intérieur déclarent dans la Pravda "que la criminalité a brusquement diminué". Les conditions de travail dans les mines ont toujours été effroyables. La sécurité dans les mines a toujours été le dernier souci des bureaucrates, les salaires sont très bas en considération du travail fourni, de sa pénibilité que rien ne vient atténuer. Le ravitaillement est insuffisant et de mauvaise qualité. Tous les mineurs n’ont pas de logements et ceux existants sont plus des tanières que de véritables appartements. Le plus souvent, il ne disposent pas même de suffisamment de savon pour se laver. Sans doute ces conditions de travail et d’existence se sont-elles encore aggravées au cours de ces dernières années.

Pourtant cela ne suffit pas à expliquer le mouvement qui s’est produit. La crise de la bureaucratie a ouvert des brèches par lesquelles le mouvement a surgi. Il avait un contenu politique. A de tels mouvements, la bureaucratie répondait avant par des coups de mitrailleuses. Cette fois elle a lâché du lest. Si les organisations dont se dotaient les mineurs n’étaient pas encore des Soviets, ils en avaient des caractéristiques.

LA BUREAUCRATIE NÉGOCIE

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Gorbatchev a été contraint de négocier. Il a veillé à ce que ces négociations avec les mineurs ne s’engagent pas au niveau du chef du gouvernement d’alors : Rijkov. Il a désigné une commission composée de membres du CC du PC de l’URSS et du gouvernement qu’un certain Nicolaï (Slioukov), membre du bureau politique dirigeait. Les négociations ont eu lieu sur le plan local.

Le 21 juillet, un accord était conclu entre les représentants des mineurs du bassin du Kouzbass et cette commission. Plus ou moins rapidement selon les mines, le travail a repris. Entre temps, les mineurs du Donbass en Ukraine, ceux du bassin de Karaganda, de Vorkouta dans le grand Nord s’étaient mis en grève. En Ukraine, le comité de grève élu par les mineurs leur a proposé de reprendre le travail pendant que se déroulaient les négociations. Ils ont refusé. Cette fois, le premier ministre Rijkov a reçu, le 24 juillet au Kremlin, les délégués des mineurs du bassin du Donbass. Finalement pour les mineurs du Donbass, de Karaganda, de Vorkouta un accord a été conclu ayant le même contenu que celui conclu par les mineurs du Kouzbass. Les 26 et 27 juillet dans toutes les mines de charbon de l’URSS, la reprise du travail était effective.

CONTENU DE L’ACCORD

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  • Un projet d’autonomie régionale dans la région du Kouzbass.
  • Toutes les mines se regrouperont en associations ou choisiront d’autres formes de coopérations au mieux de leurs intérêts.
  • En dehors du charbon livré à l’État par contrat, dont le volume doit être défini dans un délai d’un mois, les mines pourront vendre librement les excédents sur les marchés intérieurs et extérieurs.
  • Une hausse des prix du charbon sera établie en fonction des dépenses réelles du coût de son extraction et compte tenu des frais de remise en valeur du sol.
C’est l’application de la politique du gouvernement.

CONCESSIONS FAITES AUX MINEURS

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  • Le ministère de l’industrie charbonnière est chargé de proposer d’ici une semaine des normes de progression des salaires en fonction de la productivité du travail.
  • L’équipe du soir verra son salaire augmenter de 20%, celle de nuit de 40%.
  • La durée du travail sera calculée à partir de l’entrée jusqu’à la sortie de la mine.
  • Les salaires seront indexés sur les prix.
  • Tous les travailleurs de la région bénéficieront d’un coefficient salarial de 1,3 en raison des conditions géographiques difficiles.
  • Des aides sont prévues en faveur des victimes du travail.
  • Les entreprises pourront attribuer des allocations aux mères restant au foyer pour élever leurs enfants jusqu’à trois ans.
Autres mesures diverses :
  • Attributions nouvelles à SOS médecine, aux pompiers, à la police jusqu’à l’augmentation des pensions et retraites (70% du salaire après vingt-cinq années consécutives, calculés sur les 15 dernières années de travail) ou allongements de la durée des congés.
  • Mesures prises et dûment chiffrées pour l’approvisionnement alimentaire, la fourniture de médicaments, le logement.
  • Avantages pour les invalides du travail.
Économiquement, les concessions faites aux mineurs sont importantes. Encore que Gorbatchev a réussi à faire entériner sa politique d’autonomie de gestion par les mineurs et de dislocation puits par puits.

De toute façon, c’est politiquement une escroquerie. Le mouvement se dressait et, de fait, mettait en cause, potentiellement le pouvoir, la bureaucratie du Kremlin. Il a été réduit à un simple mouvement revendicatif. Les mineurs n’ont même pas constitué un comité central de grève. Ils se sont laissé cantonner aux limites de leurs régions réciproques. Ils n’ont pas même constitué de nouveaux syndicats. Les syndicats officiels écartés de la direction du mouvement ont, dès le lendemain de la grève, repris leur place.

Pourquoi en fut-il ainsi ? C’était la limite de la spontanéité. Le mouvement pouvait engendrer une nouvelle direction politique de la classe ouvrière, mais pas de manière spontanée. C’était la conséquence de l’absence de la IVème Internationale. Là est le "secret" de ce que le prolétariat de l’URSS était et est pleinement désarmé, il en est réduit à servir de force de frappe soit de parties de la bureaucratie du Kremlin, soit de forces carrément restaurationnistes.

A L’EST DE L’EUROPE, LES EX-PC REFONT SURFACE

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Pour autant, les divers partis, issus de la bureaucratie stalinienne et des bureaucraties satellites, généralement rebaptisés en "socialistes", n’ont pas, ipso facto, disparu de la scène politique. Ils avaient encore un rôle décisif à jouer.

Très rapidement, la politique restaurationniste conduite par ces gouvernements transitoires (début, ou poursuite de la dislocation de la planification, début ou poursuite de la remise en cause des monopoles du commerce extérieur ; premières privatisations) s’est traduite par une aggravation de la situation économique et sociale, pourtant déjà très difficile qui était faite aux masses : baisse du pouvoir d’achat, apparition du chômage, etc... Très rapidement aussi, le soutien électoral qui avait été apporté à ces divers "fronts" ou "forum" s’est effondré. Cela s’est traduit, selon les cas, par une hausse, parfois spectaculaire, des abstentions (80% d’abstention aux élections présidentielles de juillet 1990 en Hongrie, par exemple), ou plus généralement par des votes majoritairement en faveur des anciens partis staliniens repeints aux couleurs de la "démocratie" et du "socialisme".

Rappelons une fois encore qu’en aucun cas ces partis ne sont des partis "ouvriers", (des partis ouvriers-bourgeois) ; A l’origine, ce sont des organisations de la bureaucratie stalinienne construites sur la destruction du mouvement ouvrier, destruction souvent physique et sanglante, toujours imposée par la force de l’appareil d’État .

Leur badigeonnage aux couleurs de la démocratie bourgeoise dans le cadre du krach des régimes bureaucratiques n’en font pas pour si peu des organisations ouvrières-bourgeoises, mais exprime au contraire - si besoin était ! - leur véritable nature d’organisations totalement étrangères au mouvement ouvrier.

Le fait que, très vite, des votes massifs se soient exprimés en leur faveur n’est en aucun cas l’expression d’un vote de classe ; ce n’est que l’expression d’un immense désarroi politique, de l’extraordinaire confusion qui est celle de la classe ouvrière et de la jeunesse de ce pays. Le vote pour des organisations petite-bourgeoises, ou l’abstention, ou le vote pour les ex-partis staliniens sont l’expression de la même impasse et sont un point d’appui pour la restauration du capitalisme. En votant pour ces partis formés dans le moule de la bureaucratie stalinienne, les travailleurs marquent leur rejet d’une politique restaurationniste qui se traduit par une chute dramatique du pouvoir d’achat, la liquidation de leurs conquêtes et acquis sociaux, le chômage, la flambée de la spéculation, des trafics en tous genres, du gangstérisme. Mais les quelques vagues critiques formulées par les ex-PC à l’encontre des "excès" de la restauration capitaliste ne peuvent cacher qu’ils sont eux-mêmes, fondamentalement, sur la même orientation.

L’IMPÉRIALISME A BESOIN DES EX-PC

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Presque partout, les ex-PC sont revenus au pouvoir. C’est un mouvement général.

- Dès l’automne 1992, en Lituanie, l’ex-PC remporte la majorité absolue aux élections législatives.

- En Pologne, en septembre 1993, l’ex-PC structurant "l’Alliance de la Gauche Démocratique" obtient 132 sièges, ils ont à eux deux la majorité absolue. Walesa est alors président de la République. Il entend poursuivre à marche forcée la réintroduction du capitalisme et la reconstruction du pilier historique de tout ce que l’histoire polonaise compte de réactionnaire : l’appareil clérical, ses privilèges, son ordre moral. Durant deux années de cohabitation, l’ex-PC devenu SDRP (Social Démocratie de la République Polonaise) et ses satellites ne vont pas fondamentalement s’opposer à la politique de restauration capitaliste. Mais ils vont récupérer à leur profit le mécontentement suscité par la liquidation des acquis sociaux et par la réintroduction, imposée par l’État, de l’ordre clérical.

C’est ainsi que l’avortement devint un délit et qu’un concordat a été signé en 1993 entre l’Église et l’État, mais les députés de l’ex-PC se sont opposés à sa ratification. Le 19 novembre 1995, à l’occasion des élections présidentielles, s’achève le règne de Walesa dont le prestige ancien - acquis à la tête de Solidarité - est complètement épuisé : c’est Aleksander Kwasniewski, candidat du parti social démocrate, qui est élu avec 51,7% des voix.

Kwasnieski fut en 1989 ministre de la jeunesse ; il participera, pour le compte du gouvernement stalinien, à la "table ronde" préparant la passation des pouvoirs. Après le sabordage du P.O.U.P., il organisa la reconstruction de l’appareil en récupérant l’héritage du P.O.U.P.. Dès son élection, sa déclaration est explicite : "nous devons travailler ensemble, chercher ce qui lie les polonais. Le dialogue est possible" dit-il à l’adresse des électeurs de Walesa, dont beaucoup ont suivi les consignes de vote martelées par le clergé. "Ce n’est qu’ensemble que nous entrerons dans l’Union européenne et dans l’OTAN ".

Sur le plan intérieur, il entend poursuivre dans ses grandes lignes les réformes économiques conduites du temps de Walesa. Ce retour des ex PC, qui se fait avec l’assentiment de l’impérialisme, offre pour l’entreprise de restauration du capital plusieurs avantages : - il permet de capter, de figer, le mécontentement suscité par la réintroduction du capitalisme, d’entraver la mobilisation des masses au nom d’une politique soi-disant plus "mesurée". - il permet d’utiliser pleinement l’expérience du pouvoir, de la gestion de l’État, acquises par les ex-PC : des décennies durant, ceux-ci ont sélectionné et formé - pour leur propre compte - des dizaines ou des centaines de milliers de permanents, de fonctionnaires d’autorité, d’experts en tout genre ; ils demeurent profondément liés à l’appareil d’État, lequel s’est adapté sans grand changement à la nouvelle situation. A l’inverse, les équipes petites bourgeoises manquaient de cadres et d’expérience. Pour l’impérialisme, ces partis sont aujourd’hui utiles. - enfin, dans une situation où la restauration capitaliste n’est pas achevée, il manque une solide classe bourgeoise pour pouvoir affronter les masses et constituer un ou des puissants partis bourgeois pour conduire cet affrontement. Les organisations petites bourgeoises ne sont pas à la hauteur ; leur base sociale (petits commerçants en tous genres, professions dites libérales, trafiquants divers...) est trop hétéroclite, socialement insuffisamment soudée, organisée, à l’inverse, les partis ex-staliniens sont souvent liés à des fractions de l’ancienne nomenclatura qui se sont appropriés des secteurs économiques anciennement étatisés, des fractions qui se constituent en bourgeoisie.

Si nécessaire, une alliance est constituée entre ex-PC et organisation petite bourgeoise, l’une et l’autre devenant des forces pleinement bourgeoises. C’est le cas en Hongrie.

Hongrie : les 8 et 9 mai 1994, le Parti Socialiste (ex-stalinien réformateurs) s’est assuré 209 sièges à l’Assemblée Nationale sur un total de 389. Rappelons qu’avant 1989 le parti stalinien (PSOH) était à l’avant-garde pour la remise en cause de l’économie planifiée et de la propriété étatique ; pour le Kremlin, la Hongrie était un "laboratoire".

En 1994 se constitue alors une alliance entre ex-PC et les "libéraux". Voici le bilan que Le Figaro en tire un an et demi après, sous le titre : "l’ex-PC tient les promesses de la droite" et le sous-titre : "les anciens communistes, devenus socialistes, font preuve de plus d’audace que le gouvernement conservateur qui les a précédés" :

"Depuis 1990, Budapest a réussi à attirer la moitié des investissements occidentaux en Europe de l’Est, soit quelques 12 milliards de dollars. Les mesures d’austérité appliquées depuis mars dernier (mars 95) ont encore renforcé la confiance des investisseurs : 3,4 milliards de dollars ont afflué en moins d’un an (...) Le paradoxe n’est qu’apparent. A Budapest, comme à Varsovie, ce sont les communistes eux-mêmes qui ont contribué à la transition vers le capitalisme (...). Les haut-dignitaires du Parti se reconvertissent dans les affaires : la plupart sont aujourd’hui banquiers ou chefs d’entreprises. Devenus socialistes, les anciens communistes poursuivent les réformes engagées par le conservateur Jozsef Antall. Ils vont même beaucoup plus loin. "c’est" selon un diplomate "une politique économique cohérente, beaucoup plus proche de celle que défendait Margaret Thatcher que de celle menée par certains sociaux-démocrates actuellement en Europe". Une interview de Gyula Horn, qui fut ministre des affaires étrangères dans le dernier gouvernement stalinien à proprement parler, et qui est maintenant premier ministre, confirme l’appréciation du Figaro du 31.01.1996 : "en 1988, nous avons été les premiers à promulguer une loi sur la liberté d’entreprise (...) c’est chez nous que les réformes sont les plus profondes. Par exemple : les privatisations. Dans d’autres pays de la région, on n’a même pas commencé à privatiser alors que notre programme touche à sa fin". Il y va également de son couplet sur Marx ("Marx était un grand penseur. Il a eu raison sur un certain nombre de points (...) ce qui était vrai à l’époque de Marx n’est plus valable aujourd’hui") mais s’inquiète surtout des réactions des travailleurs et de la jeunesse: "l’économie de marché a des gagnants et des perdants. Cela engendre beaucoup de tensions sociales. Mais la Hongrie n’a pas le choix" répond-il à une question sur le risque "d’une explosion sociale."

De fait, ce programme brutal provoque une vague de grèves, en particulier grèves des enseignants, des étudiants, des cheminots, des infirmiers. Le 18 février 1996, le ministre des finances doit démissionner et le nouveau est invité à continuer, avec une "approche plus progressive". Parmi les mesures rejetées par les grévistes : le gel des salaires (alors que l’inflation est de 22%), la réduction des allocations familiales, le paiement de certains médicaments et de frais de scolarité. Mais, d’après Le Monde du 16 juillet 96, le gouvernement poursuit son offensive : "le tour de vis n’est pas fini. Le gouvernement (...) engage maintenant les délicates - et douloureuses - réformes qui frappent directement le quotidien : éducation, sécurité sociale et pensions. (...) Le projet de budget 1997 prévoit déjà la perte supplémentaire de quelques 42 000 emplois dans la fonction publique".

Sont également décidées la suppression de 10 000 lits hospitaliers d’ici la fin de l’année et le passage de l’âge de la retraite à 62 ans. Le chômage dépasse officiellement 10% et les "écarts sociaux se creusent". Telle est l’action conduite par un ex-PC revenu, très électoralement, au pouvoir.

On ne peut ici analyser en détail chaque pays. Les rythmes et les combinaisons diffèrent. D’une manière générale et au moins pour un temps, les ex-PC jouent actuellement un rôle majeur : en Bulgarie, par exemple, où l’ex-PC devenu PSB et qui avait connu un grave revers aux élections législatives anticipées d’octobre 91, gagna aux élections de décembre 1994 une large majorité parlementaire, cohabitant jusqu’en 1996 avec un président appartenant à l’ancienne "opposition" élu en 1992. Dans ce cadre général, la République Tchèque constitue une exception importante. Dans une situation où, en l’absence d’issue ouvrière et sous l’influence de l’impérialisme allemand, s’est brisée l’ancienne Tchécoslovaquie, l’État est dirigé par le très bourgeois Vaclav Havel et un gouvernement s’appuyant sur une majorité parlementaire dite "de centre-droit" composée du parti démocratique civique (ODS) de l’Alliance démocratique civique (ODA) et des chrétiens démocrates du KDU-CSL, au pouvoir depuis 4 ans. Le Parti communiste y demeure marginal. Plus encore : à l’occasion des dernières élections législatives (1er juin 1996), le PCT a régressé, passant de 13 à 10,3% des voix. Pourtant lors de ces élections, la majorité parlementaire bourgeoise a reculé de manière importante, passant de 112 à 99 parlementaires pour 200 députés au total. L’élément le plus notable (l’un expliquant vraisemblablement l’autre) est la progression très forte du Parti Social-démocrate (CSSD) qui en quadruplant son résultat de 1992, obtient 26,4% des suffrages. Or ce parti là n’est en aucun cas un ancien parti stalinien vêtu d’un nouvel habit. Il s’affirme comme l’héritier de l’ancien parti social-démocrate interdit par les staliniens en 1948, parti ouvrier-bourgeois par son histoire et occupant une place fondamentale à la veille de son interdiction. Ce parti social-démocrate a certainement reçu l’appui, pour se reconstituer du puissant et proche SPD allemand ; il est lui même totalement sur une ligne restaurationniste ; il a peu après les élections législatives fait la preuve de son "esprit de responsabilité" en s’abstenant pour que puisse se former un gouvernement bourgeois minoritaire, lequel va donc pouvoir poursuivre sa politique. En même temps, ce parti peut être considéré comme la reconstitution d’un parti ouvrier-bourgeois traditionnel, le témoignage de la recherche par la classe ouvrière d’une issue ouvrière. Cela étant dit, ce parti jouera son rôle d’organisation ouvrière-bourgeoise : sa politique sera celle dictée par la bourgeoisie, l’impérialisme. Pour la classe ouvrière tchèque, comme pour les autres classes ouvrières, la question centrale est celle d’un parti révolutionnaire.

RUSSIE : ELTSINE RÉÉLU PRÉSIDENT

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Les articles parus dans différents numéros de CPS. Les textes soumis au vote aux conférences du Comité, dispensent de reprendre depuis 1953 la crise de la bureaucratie du Kremlin. C’est en référence à ces textes et articles - particulièrement la résolution de la 8ème conférence et l’article paru dans CPS n° 64, intitulé "Russie avant l’élection présidentielle" (-auxquels nous renvoyons les militants du comité) que seront analysés les derniers développements de cette crise. Les résultats du premier tour des élections présidentielles assuraient qu’au deuxième tour Boris Eltsine serait réélu, surtout après le "ralliement" du général Lebed à sa candidature au deuxième tour, et cela malgré que quelques jours avant le scrutin, au su de chacun Eltsine était malade à en mourir et qu’il avait disparu de la campagne électorale.

Les élections législatives de décembre 1995 avaient constitué une défaite pour Boris Eltsine et une victoire pour le PC (voir les résultats dans l’article Russie : avant les élections présidentielles). Comment Eltsine et sa clique ont-ils rétabli leur situation électorale ? D’abord en manœuvrant et en mettant à l’écart en apparence les artisans les plus en vue de la politique restaurationniste et en suspendant jusqu’aux présidentielles la politique de privatisation. En signant avec Eltsine un accord provisoire mettant fin aux hostilités, les dirigeants Tchétchènes ont voté Eltsine. Une autre raison est l’appui ouvert que l’impérialisme (américain tout particulièrement) a apporté à Eltsine au mois de mars 1996, le FMI consentait à la Russie un prêt record de 10 milliards de dollars. Au mois d’avril, Bill Clinton se rendait à Moscou et y félicitait Eltsine : "grâce à Boris Eltsine, plus de 60%" de l’économie a été privatisée. Le 29 avril, le Club de Paris (c’est à dire les créanciers publics) décide le rééchelonnement de 40 milliards de dollars de dettes sur 25 ans, ce qui constitue un autre record. "La communauté internationale s’empresse tellement à soutenir Boris Eltsine pour l’élection présidentielle du 16 juin prochain qu’elle ne semble pas en mesure de lui refuser quoi que ce soit" notent Les Échos le 30 avril sous le titre explicite : "Le Club de Paris vote Eltsine " après le rééchelonnement de la dette commerciale ; deux jours après, c’était le Club de Londres, qui regroupe 600 banques créancières, qui bouclait un accord sur le rééchelonnement de 25 milliards de dollars de dette (sur 25 ans avec une période de grâce de 7 ans). Quant aux 7 milliards d’arriérés d’intérêts, ils seront restructurés sur 20 ans.

Il faut préciser que depuis 1991, la Russie n’honorait pratiquement plus ses engagements. Bien évidemment, de tels accords ne sont pas désintéressés, et l’impérialisme entend bien se rembourser au centuple. Il lui faut pour cela un gouvernement russe domestiqué, pour une bourgeoisie russe compradore : Boris Eltsine est au fond un agent pur et simple de l’impérialisme américain chargé du maintien de l’ordre en Russie et dans la CEI. A joué également le contrôle étroit exercé sur les moyens de propagande, télévision en particulier, par le clan de Boris Eltsine alors que cet outil a fait défaut à Ziouganov en dépit de l’imbrication étroite du PC russe avec des secteurs importants de l’appareil d’État. Enfin le programme électoral du PC russe n’était pas fondamentalement différent de celui d’Eltsine. Il est également sur une ligne restaurationniste, mais sur un rythme moins échevelé : d’une part, par crainte d’une puissante réaction du prolétariat russe, d’autre part afin de permettre à la fraction de la bureaucratie qu’il représente de s’assurer, à son seul profit, du bénéfice des privatisations. Invité au forum économique de Davos en février 1996, Ziouganov a rassuré les représentants ainsi rassemblés du capitalisme mondial : "Nous reconnaissons le pluralisme politique et les diverses formes de propriétés(...) la réforme est un processus normal de la propriété, mais il faut la conduire de façon raisonnable(...) il faut encourager à la fois les gens qui veulent entreprendre et travailler, et soutenir ceux qui souffrent." (La Tribune Desfossés du 25.2.96).

Dans ces conditions, Boris Eltsine arrivait en tête à la suite du premier tour des élections présidentielles du 16 juin, avec 35% des voix, contre 32% pour Ziouganov ; ce dernier n’améliorait donc pas son score de décembre. Le général Lebed - grand pourfendeur de la corruption et de la décomposition de l’armée - obtenait 15%. Les autres candidats se partageaient le reste. Aussitôt commençaient de grossières manœuvres : quarante-huit heures après le premier tour, Boris Eltsine scellait une alliance (sans doute préparée de longue date) avec le général Lebed : ce dernier, au nom des 15% de voix obtenus, était nommé secrétaire du conseil de sécurité, avec des attributions élargies. Dans le même temps était limogé, à la demande d’Alexandre Lebed, le général Pavel Gratchev qui était ministre de la défense. Peu après sa nomination, Alexandre Lebed accusait "l’entourage" de l’ancien ministre de la Défense d’avoir fomenté un coup d’État, resté sans suite. De son côté, Boris Eltsine laissait entendre qu’à ses yeux Lebed était son meilleur successeur possible. Le 20 juin, la guerre des clans faisait trois nouvelles victimes : A. Korjakov, M. Barsoukov et O. Soskouets, trois proches de Boris Eltsine, étaient limogés sous la pression d’autres "proches" d’Eltsine mais représentant d’autre fractions du régime. Jusqu’au second tour des élections, le général Alexandre Lebed a joué le rôle qu’on attendait de lui : le nationaliste fort-en-gueule se préparant au rôle de César, exigeant davantage de pouvoir, autant militaires qu’économiques. Pourtant son "pouvoir" ne dépendait que d’Eltsine lui même : le Conseil de sécurité est une structure de l’appareil présidentiel créé par oukase en août 1992, formé et présidé par le président. Ses débats sont à huis clos et son rôle est de préparer les décisions du président en matière de sécurité et de politique, tant intérieures qu’extérieures. De toute façon, tout serait remis en cause après le second tour. Finalement, Boris Eltsine sortait vainqueur du second tour avec 53,7% des suffrages exprimés contre 40,4% à Ziouganov( pour 67,25% de votants).

LA CRISE DEMEURE

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Pour autant, rien n’était résolu, bien au contraire, et on le vit nettement dans les jours qui suivirent le 3 juillet. Aussitôt réélu, Boris Eltsine reconduisait Victor Tchernomyrdine comme premier ministre. Comment celui-ci aurait-il pu s’accommoder d’un général Lebed qui n’avait eu de cesse de réclamer, trois semaines durant, de plus vastes pouvoirs dans tous les domaines ? Un général qui avait mené campagne en faisant le bilan suivant de la politique menée par le gouvernement Eltsine-Tchernomyrdine: "Le pays est dans une crise profonde. La mortalité dépasse considérablement la natalité. Le peuple est littéralement tombé dans la misère. Plusieurs régions éloignées du centre sont en situation quasi coloniale, on en extirpe tout sans y investir quoi que ce soit. Tout le système monétaire est menacé. La poursuite de la lutte contre l’inflation sans une politique industrielle structurée aboutira à des faillites en masse et à l’accélération du déclin."(Libération du 4 juillet) Tchernomyrdine reconduit dans ses fonctions entreprenait donc aussitôt de remettre Lebed à sa place, affirmant qu’en matière de pouvoirs, il n’entendait "donner quoi que ce soit à qui que ce soit". La guerre des clans reprenait donc aussitôt. En toile de fond de ces affrontements, il y a bien-sûr le dépeçage de la propriété étatique. Ainsi, au sujet des campagnes de presse concernant la corruption, Le Monde du 12 juillet explique : "Les faits rapportés sont en bien des points exacts, selon des spécialistes moscovites des affaires criminelles. Ils mettent en cause de célèbres "parrains" russes vivant à Paris et à Londres, liés au partage de la propriété, toujours en cours, du secteur métallurgique russe que gérait Oleg Sokovets. Ce partage, qui a fait en moins de trois ans des dizaines de morts (plus, dit-on, que le nombre des victimes des privatisations dans le secteur du pétrole), était placé sous la responsabilité de M. Soskovets, avant son renvoi par Boris Eltsine entre les deux tours de l’élection présidentielle, en même temps que celui de ses amis, les généraux responsables des services secrets présidentiel." Mais plus encore, il y a la nécessité pour le gouvernement russe d’affronter le prolétariat russe, et ce d’autant que si l’ impérialisme s’est montré conciliant avant les élections présidentielles (afin que son poulain soit réélu) il va se montrer pressant dès le lendemain de ces élections. Aussi est-ce comme un gage de bonne volonté donné à l’ impérialisme que Anatoli Tchoubaïs est alors nommé à la tête de l’administration présidentielle: Tchoubaïs est connu pour avoir été responsable de la politique de privatisation de fin 91 à fin 95 et il est considéré comme le garant de la politique de réintroduction du capitalisme ; après la défaite électorale de ses partisans en décembre 1995, Eltsine avait dû manœuvrer en recul, suspendre les privatisations en cours ou annoncées et démettre Tchoubaïs. Le retour de ce dernier vaut programme : il est considéré comme le "père des privatisations". En même temps, la mise en œuvre d’un tel programme signifie : satisfaire les exigences de l’impérialisme, en particulier mettre fin au formidable déficit budgétaire, couper toutes les subventions qui permettent à d’innombrables entreprises industrielles de survivre, fermer ces dernières, affronter le prolétariat. Le gouvernement russe redoute cet affrontement : la bureaucratie est disloquée et il manque au gouvernement l’assise d’une vraie bourgeoisie qui reste en grande part à (re)constituer. C’est ce qui explique les désaccords qui se sont immédiatement exprimés entre Eltsine et son premier ministre. Selon Le Monde du 12 juillet: "Après l’élection présidentielle, le premier ministre, Victor Tchernomyrdine, reconduit dans ses fonctions, a jugé que l’heure était désormais au serrage des ceintures après les excès de la campagne. Il s’agit de boucher rapidement les trous du budget pour éviter une crise majeure à l’automne, notamment une reprise de l’inflation. Mais dans un discours télévisé à la Nation, mercredi 10 juillet, Boris Eltsine a clairement annoncé que la lutte contre l’inflation ne serait plus la priorité. Le président a promis de "sérieuses corrections" de sa politique économique après l’importante leçon" de la présidentielle. "Le but principal est de faire revivre la production, d’assurer des commandes aux entreprises et du travail aux gens, d’élever le niveau de vie de chaque famille russe" a déclaré M. Eltsine.

" Bref le président a assuré que ses promesses de campagne seraient respectées. Son conseiller économique, Alexandre Livichts, avait précisé mardi qu’une "inflation basse ne peut plus être le but final de la politique économique". M. Livchits, avait souligné que la priorité "est désormais la hausse des investissements et la reprise de la croissance". Pourtant la fameuse "stabilisation" est loin d’être acquise. Elle est notamment menacée par les dépenses de la campagne électorale et de la chute, pendant cette période, des rentrées fiscales des budgets de l’État et des régions sont inférieures de 15 milliards de dollars (78 milliards de francs) aux objectifs. Au premier semestre, le gouvernement n’a réussi à collecter que 60% des sommes prévues dans le budget.

" Au lendemain du scrutin, le représentant du Fonds monétaire international à Moscou, qui n’avait que des éloges à faire pendant la campagne, a changé de ton. Le gouvernement doit "s’occuper de la situation budgétaire afin d’augmenter les revenus aussitôt que possible et s’assurer que le programme de dépenses correspond aux buts généraux du budget", a déclaré Thomas Wolf. "La très mauvaise collecte des impôts, le versement des retraites, le financement exagéré des régions et les taux d’intérêts artificiellement élevés des titres d’État vont avoir une influence très négative sur la situation budgétaire à l’automne", a reconnu M. Livchits.

Or le gouvernement russe est pris à la gorge. Où trouver l’argent ? Les impôts ne rentrent pas, et les emprunts à l’étranger seront soumis au bon vouloir de l’impérialisme... "Sur le marché russe, les autorités ont l’intention de réduire sérieusement les intérêts offerts sur les bons du trésor, qui assurent en partie le financement du déficit budgétaire. A la veille de l’élection, ceux-ci avaient atteints le taux record de près de 200% d’intérêt par an. Ils sont redescendus à 90% après le scrutin mais c’est encore très supérieur au taux d’inflation, qui ne devrait pas dépasser 25% à 30% cette année. Une réduction des taux d’intérêt pourrait avoir plusieurs conséquences négatives. D’abord, l’Etat risque d’avoir des difficultés à emprunter sur le marché intérieur à ces taux peu alléchants. Ensuite, la réduction des taux d’intérêt sur les bons du trésor pourrait précipiter une crise bancaire." (Le Monde du 12 juillet) C’est le chaos financier, économique et social qui s’annonce. A cette étape, on doit rappeler la conclusion de l’article de CPS n° 62, écrit 3 mois avant les élections, conclusion que les récents développements ci-dessus évoqués ont amplement confirmée : "Quels que soient les résultats de l’élection présidentielle, le pouvoir politique (qu’ incarne si bien Boris Eltsine avec son alcoolisme et ses crises cardiaques) n’en sortira pas stabilisé, bien au contraire. Les forces centrifuges qui tendent à le disloquer continueront à s’exercer. Or la situation économique et financière ne peut que s’aggraver ; le "vainqueur" devra affronter le prolétariat, la jeunesse ; les questions nationales sont explosives (Tchétchénie) ; etc... En d’autres termes la période ouverte par l’éclatement de la bureaucratie du Kremlin est loin d’être close. Bien entendu le cours de la lutte des classes dans le monde influera sur ses développements en Russie et réciproquement." LA CRISE S’ACCÉLÈRE (6-16 AOÛT 1996)
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Dans cette guerre des clans, le général Lebed demeure le candidat affiché pour une dictature militaire ; et, compte tenu de l’état de décomposition alcoolique avancé de Boris Eltsine, le "Conseil de sécurité" tend à fonctionner comme une sorte de "polit-bureau" exerçant la réalité du pouvoir. Aussi Tchernomyrdine tente-t-il de constituer un autre "conseil" sans Lebed. Par ailleurs, la guerre en Tchétchénie a révélé la désintégration morale d’une grande partie de l’armée russe, sa désorganisation ; la guerre de clans traverse l’État Major et la caste des officiers.

Le 6 août, les indépendantistes tchétchènes lancent une attaque de grande ampleur ; le lendemain, ils s’emparent de Grozny, la capitale tchétchène. Expression de la décomposition de l’Etat-major russe, défaite militaire programmée par l’un des clans ? Le fait est que cette offensive était annoncée depuis trois jours mais que la veille de l’attaque, des soldats russes avaient reçu l’ordre d’abandonner leur poste de contrôle à l’entrée de la ville. Dès lors, le conflit Tchétchène cristallise l’affrontement entre les clans de la bureaucratie.

Le 7 août, Eltsine et le premier ministre exigent "des frappes adéquates". La veille, un mystérieux attentat contre le premier ministre a échoué.

Le 9 août, c’est un Boris Eltsine à demi-mort, incapable de parler, qui est conduit à la cérémonie de prestation de serment.

Le 11 août, le général négocie directement avec le chef d’état-major des indépendantistes tchétchènes, mais en même temps il demande des renforts. Son véhicule est pris comme cible par des soldats russes (des "tirs amicaux " expliquera-t-on). De son côté le ministre de l’intérieur, le général Koulikov, un adversaire de Lebed, déclare : "nous pouvons choisir la manière forte mais il faut savoir que cela implique de grosses dépenses et, de toute façon, je suis sûr que nous n’obtiendrons aucun résultat".

Le 14 août, Eltsine signe un décret dotant le Général Lebed de pouvoirs accrus pour le règlement du conflit Tchétchène.

Le 15 août, la composition du nouveau gouvernement de Tchernomyrdine est rendue publique. Trois postes de "premier vice-premier ministre" (sic) traduisent la volonté de poursuivre la politique de restauration du capitalisme et la nécessité de tenir l’équilibre entre les différents clans qui se déchirent :

  • Un jeune banquier, V. Potanine, proche de Tchoubaïs, chapeautera les questions économiques.
  • Un représentant du complexe militaro-industriel aura en charge l’industrie.
  • Un homme d’Eltsine aura la charge des questions "sociales", à savoir désamorcer l’explosive question des salaires impayés touchant près de 100 000 entreprises et 15 à 17 millions de travailleurs.
Le même souci de satisfaire chaque clan avait conduit Eltsine, le 17 juillet, à nommer le général Igor Rodionov, un proche de Lebed, au ministère de la défense russe, rééquilibrant la nomination de Tchoubaïs à la tête de l’administration présidentielle. Alors que la constitution prévoit qu’en cas de vacance du pouvoir, celui-ci est assuré par le premier ministre, la nomination de Rodionov renforce le pouvoir de Lebed en cas de conflit ouvert. Ce qui devient le cas à la mi-août : le 16, le général Lebed exige le départ de Koulikov, ministre de l’intérieur, alors même que la veille a été présenté le nouveau gouvernement. Lebed déclare : "deux animaux ne peuvent vivre dans la même tanière. Boris Eltsine devra faire un choix entre Lebed et Koulikov". L’ultimatum de Lebed est tombé à l’eau : Eltsine a maintenu en place Koulikov. Il y a beaucoup d’animaux qui s’affrontent dans la tanière de la bureaucratie, alors que se poursuit la débâcle financière. En juillet et en août, le F.M.I. a suspendu ses versements tandis que les impôts ne rentrent plus. Après l’été, le F.M.I. a repris ses versements pour aider une nouvelle fois Eltsine. Finalement, le 2 octobre, Eltsine a démis le général Lebed et quelques hommes de son clan. Les déchirements au sein du pouvoir connaissent à partir de là de nouveaux développements. La situation du prolétariat est catastrophique. CPS 62 l’a souligné. La presse, Les Échos du 17 juin par exemple en font état : " Selon le Comité des statistiques d’État, le salaire mensuel moyen a chuté l’année dernière de 22,5% en termes réels à moins de 760 francs. Même avec des loyers souvent symboliques et des prix sur les produits non importés bien inférieurs aux prix français, il est clair que le pouvoir d’achat des salariés place la plupart d’entre eux au-dessous du seuil de pauvreté. Sans compter les retards de paiement qui se multiplient. Dans le même temps, les services sociaux (santé, crèches) se délabrent ou deviennent inaccessibles. Pour ajouter au sentiment d’insécurité, le chômage, inconnu du temps de l’URSS, frapperait aujourd’hui 8,2% de la population.

" Enfin, les inégalités entre régions, entre industries, entre catégories sociales... - se sont fortement accrues. Les 10% de Russes les plus riches ont des revenus 13,5 fois supérieurs (contre 4,5 fois en 1992) à celui des 10% les plus pauvres et les "nouveaux riches" paradent en voiture de sport sous les yeux des "babouchkas" condamnées à vendre des babioles pour survivre. Plus grave : le quart de la population ne touche même pas le minimum vital (estimé à 264 francs par mois).

" Mais les statistiques sont encore une science peu exacte en Russie. Ainsi la production et les importations de produits de boulangerie baissent-elles depuis des années alors que la consommation ne fait qu’augmenter... Il semble pourtant que, à côté des grands perdants des réformes - tels les retraités dont l’inflation galopante a réduit les économies à néant et dont le revenu moyen atteint misérablement 183 francs par mois -, une majorité de la population "se débrouille". Au-delà du travail au noir, nombre de russes exercent, outre leur métier principal, une activité d’ "entrepreneur" (taxi, commerçant, actionnaire, etc.) qui compense la chute de leurs revenus, souligne Gérard Wild, chef du département "pays de l’Est" au CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales).

(...)

" L’évolution est spectaculaire. Les salaires ne représentaient que 40% des revenus des ménages en 1995, contre 70% en 1992. Dans le même temps, la part de l’activité d’ "entrepreneur" a bondi de 16% à 45%. De plus, soutenu - grâce aux crédits occidentaux - par les autorités, le rouble s’est finalement beaucoup moins déprécié vis-à-vis du dollar que prévu, compte tenu de l’inflation. Les russes ont donc vu leur pouvoir d’achat en produits importés (alimentaire, électronique) multiplié par deux en dollars l’année dernière

Mais quels sont les russes qui ont les moyens d’acheter des produits importés ? Et combien de temps l’appui financier de l’impérialisme pourra-t-il financer cette couche nouvelle de petits bourgeois ? Si l’on en croit Le Figaro du 7 août 1996 : "Les mineurs des Territoires maritimes n’avaient plus reçu de salaire depuis janvier dernier. Des cas de suicide étaient signalés, des gosses avaient été empoisonnés pour avoir mangé, faute de mieux, des chiens errants. Pourtant l’Etat, affirme Alexandre Livchits, le conseiller du président, avait envoyé à Vladivostok 60 milliards de roubles le 26 Janvier pour les salaires des mineurs. mais un tiers seulement de la somme est arrivé à destination en février.

" Des experts du ministère des Finances et de l’Économie enquêtent actuellement sur la disparition de l’argent. (...)

" La Russie se trouve peut-être, à la veille d’un mouvement de protestation sociale, sans précédent, depuis la chute de l’URSS et la détermination des mineurs encourage l’armée des "humiliés" à réclamer justice. La Fédération des syndicats indépendants qui regroupe 70 millions de travailleurs est un peu partout débordée par une base qui lui reproche son "attentisme".

" Selon un des responsable "la légendaire patience du peuple russe est épuisée". Il affirme qu’il reste très peu de temps au pouvoir pour contenir le "mécontentement populaire" décrit par Friedrich Gorenstein sous l’aspect d’un "sanglier fou" qui a ravagé le pays tout entier il y a 79 ans"

De toute évidence, la bourgeoisie est inquiète. Mais la récente grève des mineurs montre les conséquences de l’impasse politique, tout autant qu’elle montre la puissance du prolétariat et les limites actuelles de celui-ci : Le 6 août 1996, les 22 000 mineurs d’Extrême-Orient ont repris le travail après trois semaines de grève pour le paiement des arriérés de salaire après avoir obtenu "la promesse" du paiement pour les salaires de "février mars", et alors même que le mouvement s’étendait dans d’autres bassins (Rostov sur le Don, Vorkonta, Kuzbass) : la bureaucratie a étouffé à bon compte ce foyer là alors que l’explosion générale est possible. D’autant que l’aide de l’impérialisme, en particulier pour ce qui concerne les investissements, lui est autant plus comptée que l’explosion politique et sociale menace

LIMITE DES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS

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En Russie, en dépit de l’enjeu politique, les investissements des puissances impérialistes sont très limités. Ces investissements atteignent 5,6 milliards de dollars, deux fois moins qu’en Hongrie, pays infiniment plus petit. Selon Les Echos du 17 juin 1996, ces investissements devraient exploser... d’ici l’an 2 000. Mais en attendant, "les incertitudes politiques et réglementaires -Moscou édicte chaque jour de nouveaux décrets en contradiction avec d’anciens textes, fait valoir un industriel-, sans compter l’influence des mafias" n’incitent pas à l’investissement. "Pour le moment, les investissements étrangers se sont surtout concentrés sur le secteur pétrolier -où les projets en suspens sont pharaoniques- et les produits de consommation (cigarettes, alimentaire), où les retours sur investissement seraient prometteurs à moyen terme". C’est ainsi que la presse a annoncé la signature, le 3 mai 1996, d’un accord entre le groupe Mobil et le gouvernement du Kazakhstan : pour 5,7 milliards de francs à verser d’ici l’an 2 001, ce monopole américain s’approprie 25% du principal champ pétrolier Kazakh situé au bord de la mer Caspienne et déjà détenu, pour moitié, par une autre compagnie américaine, le groupe Chevron. Par ailleurs, fin avril a été signé par Eltsine et le président Kazakh un accord pour la construction d’un oléoduc de 2 000 km (coût : 1 milliard de dollars) qui sera pour une part propriété des États russes et Kazakh, pour une autre part du Sultanat d’Oman et pour moitié des groupes Mobil et Chevron. "Mobil compte tirer dès cette année les premiers profits de son investissement" (Les Échos 20/05/96).

En clair, l’économie de la Russie, de l’ex-URSS (mais aussi de l’Est de l’Europe) doit être subordonnée aux puissances impérialistes ; ces pays doivent devenir des semi-colonies. Il n’y a pas de construction possible d’un capitalisme russe proprement dit mais seulement d’une économie dominée, d’une bourgeoisie compradore. Et de toute façon, pour qu’il y ait investissements massifs, il faut un "ordre" politique stable, solide : ce n’est pas demain la veille.

LA NATURE SOCIALE DE CES ÉTATS

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Lors de notre précédente conférence (novembre 1994) nous écrivions : "Caractériser la nature sociale des rapports de production existant dans ces pays n’est pas simple. Pour y parvenir il faudrait examiner l’économie de chacun d’entre eux, car il y a des variantes. De toute façon aucune d’entre elle ne rentre dans une norme toute établie d’après des catégories figées. Les économies de ces pays sont des économies où le capital a été exproprié, qui fonctionnaient de façon planifiée sous la direction de bureaucraties parasitaires et étaient ruinées et déchirées de contradictions. Sous la pression de l’économie capitaliste elles se sont disloquées. C’en est fini de la planification et du monopole de l’État du commerce extérieur. La restauration capitaliste est en cours. Mais la propriété privée des moyens de production reste partielle. A des degrés divers la propriété étatique existe encore dans des secteurs décisifs des moyens de production. tout cela sur un espace économique dévasté.

" Pour l’instant il faut continuer à caractériser ces États, en fonction de leur infrastructure économique et de son état, comme étant des états ouvriers dégénérés en voie de liquidation plus ou moins avancée sauf l’ex-RDA qui a été complètement liquidée et absorbée par la RFA. Il ne faut pas, surtout pas s’engager en des discussions byzantines sur cette question. Il n’y a aucune hâte à modifier cette appréciation. Mieux vaut un peu plus tard que trop tôt. De toute façon il faut combattre contre les privatisations. Mais ce sont là des mots, si n’est pas mis au premier plan, l’objectif de la conquête ou la reconquête du pouvoir politique par le prolétariat."

LE CAPITALISME RESTAURÉ
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Deux ans plus tard, on ne peut en rester là. En 1995, une nouvelle et décisive vague de privatisations a été réalisée. Le Monde du 24 janvier 1996 écrivait : "Malgré l’organisation officielle d’enchères, la seconde phase de la privatisation s’est surtout résumée à des arrangements privés préalablement établis. Deux des plus grandes banques du pays, réputées proches du pouvoir, Menatep et Oneximbank, ont raflé, directement ou grâce à des intermédiaires, les plus beaux joyaux de l’industrie russe : les géants du pétrole Sidanko et Ioukos, le producteur de métaux rares, Norilsk Nickel. Ces banques ont fait main basse sur les entreprises, payant des prix jugés "ridiculement bas", lors d’enchères dont elles étaient souvent les organisatrices et d’où elles avaient écarté leurs concurrents pour des "raisons techniques". Cette opération a constitué un saut qualitatif de la nature de l’économie de la Russie : la propriété privée des moyens de production était rétablie. Le mode de production dominant est redevenu capitaliste. A ce point, il convient de citer ce que Trotsky écrivait : "Qualifier de transitoire ou d’intermédiaire le régime soviétique, c’est écarter les catégories sociales achevées comme le capitalisme (y compris le "capitalisme d’État") et le socialisme. Mais cette définition est en elle-même tout à fait insuffisante et risque de suggérer l’idée fausse que la seule transition possible pour le régime soviétique actuel mène au socialisme. Un recul vers le capitalisme reste cependant parfaitement possible. Une définition plus complète sera nécessairement plus longue et plus lourde.

" L’URSS est une société intermédiaire entre le capitalisme et le socialisme, dans laquelle : a) les forces productives sont encore trop insuffisantes pour donner à la propriété d’État un caractère socialiste ; b) le penchant à l’accumulation primitive, né du besoin, se manifeste à travers tous les pores de l’économie planifiée ; c) les normes de répartition, de nature bourgeoise, sont à la base de la différenciation sociale ; d) le développement économique, tout en améliorant lentement la condition des travailleurs, contribue à former rapidement une couche de privilégiés ; e) la bureaucratie, exploitant, les antagonismes sociaux, est devenue une caste incontrôlée, étrangère au socialisme ; f) la révolution sociale, trahie par le parti gouvernant, vit encore dans les rapports de propriété et dans la conscience des travailleurs ; g) l’évolution des contradictions accumulées peut aboutir au socialisme ou rejeter la société vers le capitalisme ; h) la contre-révolution en marche vers le capitalisme devra briser la résistance des ouvriers ; i) les ouvriers marchant vers le socialisme devront renverser la bureaucratie. La question sera tranchée en définitive par la lutte de deux forces vives sur les terrains national et international."(La Révolution Trahie (De la Révolution) Ed. de Minuit p.606)

Plus loin Trotsky soulignait : "Une nouvelle révolution est inéluctable...." et encore : " En présence d’une pression énergique des masses, et étant donné la différenciation sociale des fonctionnaires, la résistance des dirigeants peut être beaucoup plus faible qu’elle ne paraît devoir l’être. Sans doute ne peut-on se livrer, à ce propos, qu’à des conjectures. Quoi qu’il en soit, la bureaucratie ne pourra être écartée que révolutionnairement et ce sera, comme toujours, au prix de sacrifices d’autant moins nombreux qu’on s’y prendra plus énergiquement et plus hardiment. Préparer cette action et se mettre à la tête des masses dans une situation historique favorable, telle est la tâche de la section soviétique de la IVème Internationale, encore faible aujourd’hui et réduite à l’existence clandestine. Mais l’illégalité d’un parti n’est pas son inexistence : ce n’est qu’une forme pénible de son existence. La répression peut se montrer parfaitement efficace contre une classe qui quitte la scène, la dictature révolutionnaire de 1917/1923 l’a pleinement démontré ; le recours à la violence contre l’avant-garde révolutionnaire ne sauvera pas une caste qui se survit, dans la mesure naturellement où l’URSS a un avenir". (Idem p.627) Les événements n’ont pas suivi le cours que Léon Trotsky projette ici. La réalité de la "section soviétique de la IVème Internationale" parmi la classe ouvrière semble avoir été à ce moment à peu près nulle. En fait, la plupart des "trotskistes" étaient déportés. Finalement ils ont été physiquement liquidés. Le prolétariat de l’URSS a subi pleinement, totalement la dictature et la spoliation stalinienne. La guerre a été un nouveau très dur coup contre elle (20 millions de morts). Elle fut saignée au sens strict du terme. Par contre, la bureaucratie du Kremlin réussit à maintenir sa position dominante . A la fin de la guerre, Staline apparaissait triomphant. Mais l’URSS était au bord de l’abîme.

Pourtant dès le début de l’occupation par ses troupes des pays de la partie Est de l’Europe, la bureaucratie du Kremlin dut procéder à des étatisations considérables. Dans tous les pays de l’Est de l’Europe que l’impérialisme allemand avait occupés, il s’était également saisi de l’ensemble des entreprises. Sa défaite a laissé la propriété de celles-ci vacantes. La bureaucratie du Kremlin, les bureaucraties locales, projections de celle du Kremlin furent dans l’obligation d’en prendre le contrôle et de les gérer, sans pour autant prétendre modifier le mode de production .Ce furent les années dites de "Démocratie populaire".

LA BUREAUCRATIE EXPROPRIE LE CAPITAL DANS LES PAYS DE L’EST DE L’EUROPE

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A ce point, il est nécessaire de rappeler ce qu’écrivait Trotsky le 25 septembre 1939, au lendemain du partage de la Pologne entre le Kremlin et l’impérialisme allemand dans L’URSS dans la guerre : "Étant donné que la dictature bonapartiste de Staline s’opère sur la propriété d’État et non sur la propriété privée, l’invasion de la Pologne doit dans ces conditions entraîner l’abolition de la propriété privée capitaliste afin d’aligner le régime des territoires occupés sur celui de l’URSS.

" Mesure révolutionnaire par sa nature "l’expropriation des expropriateurs" s’effectue dans ce cas de manière militaro-bureaucratique. Tout appel à une action indépendante des masses - mais sans un tel appel, fut-il très prudent, il est impossible d’établir un nouveau régime - sera sans nul doute étouffé le lendemain même par d’impitoyables mesures de police afin d’assurer la prépondérance de la bureaucratie sur les masses révolutionnaires." (Défense du Marxisme page 121).

C’est très exactement ce qui s’est produit. Le même processus s’est déroulé en 1948 dans les pays qu’occupaient les armées de la bureaucratie du Kremlin. Jusqu’alors Dimitrov, porte-parole de Staline, avait prétendu que "la démocratie populaire allait vers le socialisme par d’autres voies que la dictature du prolétariat". En 1948, le même Dimitrov prononçait au 5ème Congrès du Parti communiste bulgare, un grand discours, dans lequel il rompait avec cette "théorie" et reprenait à son compte ce que Staline venait d’expliquer. Il déclarait : "(la démocratie populaire) est en fait la dictature du prolétariat sous une nouvelle forme"..."Selon les principes marxistes, le système soviétique de gouvernement et le système de gouvernement dans les pays de "démocratie populaire", sont deux formes d’un même pouvoir, le pouvoir de la classe ouvrière alliée à la paysannerie travailleuse et la dirigeant. Elles sont toutes deux des formes alternatives de la dictature du prolétariat". Ces déclarations avaient comme fonction de justifier "théoriquement" la modification radicale de la politique de la bureaucratie du Kremlin dans les pays de la partie Est de l’Europe que ses troupes occupaient. Tournant brutal pris en février 1948.

Ce que Trotsky écrivait en Septembre 1939, à propos de la partie de la Pologne que le Kremlin occupait se réalisait point par point en 1948 mais cette fois à l’échelle de tous les pays de la partie Est de l’Europe : le capital était exproprié. Dans la citation faite ci-dessus, Trotsky décrit 9 ans auparavant, ce qui s’est passé dans les pays de l’Est de l’Europe et notamment en Tchécoslovaquie et qui fut appelé "le coup de Prague". Le contrecoup ce furent les sanglants procès montés de toutes pièces contre les directions des PC et des États au cours des années suivantes. (Procès Radek en Hongrie, Kostov en Bulgarie, etc...) Une des contreparties de l’expropriation du capital dans les conditions qui viennent d’être évoquées, ce fut le flot de sang que Staline a fait verser de 1948 à sa mort en 1953. A la veille de sa mort, il préparait une nouvelle et gigantesque épuration sous la couverture du "complot des médecins". A noter que quelques jours après sa mort les médecins furent libérés et leur "complot" s’évapora, ce qui jette un doute sur le fait qu’il soit mort de son plein gré.

Avant d’en arriver là, la politique du Kremlin a consisté à essayer de trouver un accord avec l’impérialisme américain à propos de ces pays de l’Est de l’Europe et de l’URSS. Mais l’impérialisme américain a mis en avant une politique qui ne revenait à rien de moins qu’à investir l’URSS, à y pénétrer et y rétablir le mode de production capitaliste. C’est ainsi qu’il proposa au Kremlin de participer au Plan Marshall en acceptant toutes les implications. D’autre part, il offrit au Kremlin d’ouvrir à l’URSS des crédits considérables à la condition que ses capitaux puissent librement circuler.

Mais la pénétration du capital en URSS et la restauration capitaliste ne peuvent que mettre en cause les bases sur lesquelles la bureaucratie s’appuie et aller, par conséquent, dans le sens de son ébranlement, de son éclatement et de sa liquidation en tant que telle. Aussi en juillet 1947 ses représentants ont-ils dénoncé le Plan Marshall et la politique d’investissement de l’URSS que voulait pratiquer l’impérialisme américain. Réagissant, celui-ci s’est engagé dans une politique de pression politique, économique, militaire sur l’URSS et les pays de l’Est de l’Europe, dans la course aux armements, dans la préparation ouverte d’une guerre contre eux.

Dès lors, la bureaucratie du Kremlin s’est orientée vers l’expropriation du capital dans la partie Est de l’Europe. En septembre 1947, elle constituait le Kominform. Le Kominform regroupait les représentants de neuf Partis communistes européens. Les Partis communistes français et italien et les partis communistes de l’URSS, de Yougoslavie, de Bulgarie, de Roumanie, de Hongrie, de Tchécoslovaquie, de Pologne. Son objectif déclaré était de combattre la politique de l’impérialisme américain. Dans sa déclaration constitutive il appelait "à se rallier sur une plate-forme anti-impérialiste et démocratique" et non à la Révolution prolétarienne. Le Parti communiste yougoslave en assurait la présidence jusqu’au moment où, le 28 juillet 1948, il en fut lui-même exclu. La constitution du Kominform a annoncé le tournant radical qui fut appelé "le coup de Prague" (25 février 1948) : le Parti communiste de Tchécoslovaquie s’emparait pratiquement du pouvoir.

Très rapidement, le capital était exproprié en Tchécoslovaquie et dans les autres pays de la partie Est de l’Europe que les troupes du Kremlin occupaient. De son côté l’impérialisme américain préparait l’organisation de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord). Le 4 avril 1949 était publié le Pacte atlantique qui affirmait la nécessité de constituer une alliance militaire pour la défense du "monde libre". Il comprenait d’ores et déjà des dispositions militaires. C’était le prélude à la constitution de l’OTAN.

UNE POLITIQUE ABERRANTE ET AVENTURISTE

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En réplique, le Kremlin, la voie de la révolution lui étant interdite, impulsait une politique aberrante et aventuriste : engagement dans la course aux armements, blocus de Berlin (y compris si le 14 juillet 1949 le Kremlin était en mesure de faire exploser sa première bombe atomique). A son instigation, le 15 juin 1950, l’armée Nord coréenne franchissait le 38ème parallèle et envahissait la Corée du Sud qui était sous le contrôle de l’impérialisme américain. Elle avançait sans grande opposition jusqu’à un périmètre qui se situe autour du port du Sud de la Corée : Fusan. Mais là les troupes américaines regroupées et déjà renforcées la fixait. Mandaté par l’ONU, l’impérialisme américain préparait la contre-attaque. Mac Arthur était nommé Commandant suprême des forces des Nations Unies en Corée. Le 15 septembre, les troupes des Nations Unies débarquaient à Inchon. Dès le 20, elles reprenaient Séoul et coupaient la Corée en deux à la hauteur du 38ème parallèle, les forces Nord-coréennes étaient prises dans une nasse. Mac Arthur faisait alors envahir par ses troupes la Corée du Nord .Le 20 novembre, le 9ème division américaine atteignait le Yalu, frontière entre la Chine et la Corée du Nord.

La bureaucratie chinoise se sentant menacée faisait intervenir massivement ses troupes en Corée. Au prix de pertes monstrueuses, elles mettaient en déroute les troupes américaines. Les troupes chinoises ne furent bloquées qu’au niveau, à nouveau, du 38ème parallèle. En réplique à l’intervention chinoise, Mac Arthur propose alors d’attaquer la Chine en utilisant les armes atomiques. Le président Truman le démit de son commandement et le remplaça par le général Ridgway.

Il ne s’agit pas ici de retracer totalement le déroulement de la guerre de Corée mais de souligner que la bureaucratie du Kremlin, la voie de la Révolution lui étant interdite, en a été réduite à une politique aventuriste et à se situer sur le terrain même de l’adversaire, à s’engager dans la course aux armements, voire dans la guerre.

L’affaire des missiles de Cuba en est une démonstration encore plus évidente : le 23 octobre 1962, les États-Unis faisaient savoir que l’URSS installait à Cuba des fusées capables de frapper le territoire américain. Kennedy annonçait qu’il donnait l’ordre d’appliquer une quarantaine au trafic d’armes offensives vers Cuba (en d’autres termes de bloquer ce trafic). A cette fin, une formidable armada américaine se rassemblait entre les côtes de Cuba et les côtes américaines. La bureaucratie du Kremlin déclara maintenir ses fusées à Cuba, en faisant monter la tension à un point extrême, à la limite de l’affrontement militaire pour finalement capituler et accepter de démanteler ses fusées.

Après la mort de Staline, la crise de la bureaucratie du Kremlin n’a cessé de rebondir. mais ce qui a marqué essentiellement cette période ce sont les mouvements révolutionnaires dans les pays occupés par le Kremlin (déjà évoqués plus haut) qui vont du mouvement révolutionnaire de la partie Est de l’Allemagne en Juin 1953 à la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 (mur que la bureaucratie du Kremlin a édifié en 1961 pour stopper l’hémorragie d’allemands passant de l’Est à l’Ouest).

Il est impossible de suivre ici la politique que Khrouchtchev et ses successeurs ont pratiquée. Qu’il suffise de dire que dans de nouvelles conditions, elle s’est entièrement située en défense de la bureaucratie du Kremlin.

GORBATCHEV CAPITULE DEVANT L’IMPÉRIALISME

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L’élection de Gorbatchev, le 21 mars 1985, au poste de Secrétaire général du PCUS ouvre une nouvelle période historique : celle de la capitulation totale du Kremlin devant l’impérialisme et singulièrement devant l’impérialisme américain. Gorbatchev s’est engagé dans le cours qui aujourd’hui a abouti à la restauration du mode de production capitaliste. C’est dans ce sens qu’allaient, dès 1985, la Perestroïka et la Glasnost.

Il n’y a pas qu’en Russie que le mode de production capitaliste a été restauré, c’est le cas dans l’ensemble des pays de l’ex-URSS et dans ceux de la partie Est de l’Europe que le Kremlin contrôlait. L’exemple de la Tchécoslovaquie est de ce point de vue démonstratif. Louis Gauthier ne saurait être soupçonné d’amplifier les faits dans ce domaine : il publie dans La Vérité de Septembre 1996, un article intitulé : "A propos des privatisations à l’Est de l’Europe" qui peut être largement utilisé. Il y établit qu’indiscutablement dans l’ensemble des pays de l’Est de l’Europe que contrôlait le Kremlin, le capitalisme est redevenu le mode de production dominant, ce qui signifie pour les prolétaires de ces pays "une formidable régression sociale". Toute trace de l’économie planifiée n’a pas pour autant disparu et le prolétariat des secteurs où ces traces subsistent s’y accroche et les défend. A ce point, il faut rappeler ce que signifiait la nécessité d’une révolution politique (se reporter à la citation de la Révolution Trahie faite plus haut. Mais Trotsky écrivait encore :

"L’idée que la seule transition possible au régime soviétique actuel mène au socialisme (est) fausse. Un recul vers le capitalisme reste cependant possible". C’est cette variante qui s’est réalisée. Pourquoi ? parce que la bureaucratie a réussi à désarmer politiquement le prolétariat de l’URSS. Pour ce faire, Staline a liquidé physiquement la génération d’Octobre. Mais pour Staline rien ne serait fait tant que Trotsky resterait vivant. En effet, Trotsky c’était l’incarnation de la tradition révolutionnaire d’Octobre 17, du combat pour la Révolution prolétarienne mondiale, de la défense des conquêtes d’Octobre de la seule façon où, en dernière analyse, c’était possible, par la révolution politique chassant la bureaucratie et restaurant le pouvoir des Soviets. Trotsky c’était l’organisateur de la force politique nécessaire pour mener victorieusement ce combat, la IVème Internationale, son dirigeant politique indispensable. Le 20 Août 1940, Staline parvenait à ses fins, Léon Trotsky était assassiné par l’agent stalinien Mornard.

LA QUATRIÈME INTERNATIONALE

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Avec le recul du temps, il est permis de dire que l’assassinat de Trotsky a décapité la IVème Internationale, d’autant qu’il a été complété par la liquidation physique de l’essentiel des cadres de la IVème Internationale avant et pendant la guerre. Certes elle n’a pas disparu formellement comme telle. Aux États-Unis, sous l’impulsion du Socialist Workers Party, la IVème Internationale a survécu. En Europe, la guerre, les opérations militaires, la situation politique nouvelle ont, en 1940, disloqué la IVème Internationale. Dès 1943, les premiers jalons de sa reconstruction ont été posés, un secrétariat européen était constitué qui, au cours même de la guerre, a commencé à la reconstruire. Dès 1943, le SE publiait la revue IVème Internationale. Sous son impulsion, en février 1944, se tenait une "Conférence européenne de la IVème Internationale". Le SE impulsait la tenue dès 1946 de la "Conférence Internationale d’avril 1946" qui élisait un nouveau "Comité Exécutif International" dont le centre se situait en France et dont la force politiquement dirigeante était l’ancien Secrétariat européen. Sous sa direction et son impulsion, des assises internationales étaient préparées au début 1948. Sous l’impulsion de la direction et notamment de Pablo, elle se baptise "Deuxième Congrès mondial de la IVème Internationale". Malheureusement il n’y a jamais eu de "Premier Congrès mondial", mais en 1938 une simple Conférence qui consacra l’existence de la IVème Internationale. A l’appellation "IIème Congrès mondial de la IVème Internationale" correspondait une structuration extrêmement centralisée et hiérarchisée, la IVème Internationale était "construite" de la manière suivante "petit poisson deviendra grand". La réalité ne correspondait pas à la fiction, la IVème Internationale en était toujours au stade de sa construction. Cette contradiction allait avoir des conséquences dramatiques. Bientôt, il apparut qu’effectivement la IVème Internationale restait entièrement a construire. Dès lors, ce fut la recherche d’une construction miracle. Opportunément, la rupture entre Tito et Staline sembla être ce miracle. Il était juste de combattre dans cette affaire contre Staline et le Kremlin,, mais c’était avoir de terribles illusions que de croire que Tito pouvait devenir trotskiste et le PCY membre de la IVème Internationale. Ce fut pourtant l’orientation suivie par Pablo et par le "Comité exécutif de la IVème Internationale".

LE PABLISME

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Lorsqu’au moment de la guerre de Corée, Tito et le PCY se rangèrent au côté de l’impérialisme américain, la déception fut terrible. Et il y a un lien direct entre cette déception et "Où allons-nous ?" publié dans le numéro de IVème Internationale de Février-Avril 1951. Rappelons que Pablo y déclarait : "La réalité sociale objective pour notre mouvement est composée essentiellement du régime capitaliste et du monde stalinien. Du reste, qu’on le veuille ou non ces deux éléments constituent la réalité sociale tout court, car l’écrasante majorité des forces opposées au capitalisme se trouvent actuellement dirigées ou influencées par la bureaucratie du Kremlin". D’un trait de plume Pablo rayait le point de départ du Manifeste Communiste, clé de voûte de l’analyse de Marx, ce qui commande toute l’action de Marx et du marxisme : "L’histoire jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes". Il y substituait des "blocs". Il s’intégrait lui-même au "bloc" stalinien et voulait y intégrer la IVème Internationale sous la direction de Staline, de la bureaucratie du Kremlin. Il s’agissait finalement de la destruction de la IVème Internationale. Pablo "justifiait" cette orientation en décrivant une situation apocalyptique. La guerre à brève échéance entre le "bloc" impérialiste et le "bloc" stalinien était inéluctable : " La guerre dans de telles conditions, dans un rapport de forces tel qu’il existe actuellement internationalement, serait essentiellement la Révolution. La progression de la révolution anticapitaliste dans le monde éloigne mais en même temps précise le danger de guerre générale. La guerre serait cette fois la Révolution.

" Ces deux notions de la Révolution et de la guerre, loin de s’opposer ou de se distinguer en tant que deux étapes considérablement différentes de l’évolution, se rapprochent et s’entrelacent au point de se confondre par endroits et par moments. A leur place, c’est la notion de la Révolution-guerre et de la Guerre-révolution qui émerge et sur laquelle doivent se fonder les perspectives et l’orientation des marxistes révolutionnaires de notre époque".

Le plus grave c’est que, après "Où allons-nous ?", le "troisième Congrès mondial" adopta l’analyse et l’orientation qu’y définit Pablo. Seule la section française s’y opposa et réaffirma une analyse marxiste ; marginalisée, elle fut mise au ban de l’Internationale. En ce qui concerne la suite de l’histoire de la IVème Internationale, les militants du Comité se reporteront aux nombreux textes et rapports publiés dans CPS ou votés par nos différentes conférences.

LA IVÈME INTERNATIONALE APRÈS L’ASSASSINAT DE TROTSKY

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Il faut revenir sur la continuité de la IVème Internationale après l’assassinat de Trotsky. Formellement, il y a eu continuité, mais la disparition de Trotsky s’est révélée destructrice d’autant que les circonstances étaient difficiles. Aux États-Unis, le SWP et la IVème Internationale se sont trouvés devant la nécessité de promouvoir le défaitisme révolutionnaire au sein même de la puissance impérialiste dominante. Ils l’ont fait non sans opportunisme.

En Europe (voir ci-dessus), la IVème Internationale et ses sections étaient à reconstruire. Dès 1943, cette tache a été entreprise (voir plus haut). Mais ce fut dans un respect purement formel de ce que Trotsky avait écrit et des perspectives qu’il avait ouvertes au début de la guerre en 1940 : crise et dislocation de la bureaucratie stalinienne, crise majeure du mode de production capitaliste, liquidations sans appel de la démocratie bourgeoise, etc... Dans ces conditions, la IVème Internationale et ses sections pourraient devenir les organisations regroupant l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat et finalement résoudre sa crise de direction. Avec des corrections que la réalité a imposées, cette appréciation a nourri la politique de la direction de la IVème Internationale. Avec la transformation d’une Conférence internationale en "IIème Congrès mondial de la IVème Internationale" alors que la IVème Internationale en était encore au stade de la construction élémentaire, de son homogénéisation, n’était toujours pas implantée dans le prolétariat et encore moins reconnue par lui comme "sa direction". Le délire du "IIème Congrès mondial" a eu comme contrecoup le pablisme. Il faut maintenant analyser le pourquoi, le comment et les conséquences du rétablissement du capitalisme en Russie, dans les pays de l’ex-URSS et ceux de la partie Est de l’Europe que l’armée du Kremlin avait occupés. Staline et la bureaucratie du Kremlin ont réussi à couper le prolétariat de l’URSS de sa propre histoire. Pour y parvenir ils ont liquidé physiquement la génération d’Octobre et l’ont déconsidérée. L’assassinat de Trotsky était donc pour eux une nécessité ; la capitulation de la IVème Internationale a fait le reste. Mais agissant ainsi "nolens volens" Staline préparait l’éclatement de la bureaucratie du Kremlin, les conditions de la restauration capitaliste.

MOMENTS DE "DÉTENTE"

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La période s’étendant de 1948 à 1985 est marquée par de nombreux moments de "détente". Ainsi en 1972, ce fut la "détente" entre l’impérialisme américain et la Chine. Jouant sur le conflit entre Pékin et le Kremlin, il noua d’étroites relations avec Pékin. Du 21 au 28 février, Nixon entreprit un "voyage historique" en Chine, en pleine guerre contre le Vietnam. Les américains renonçaient solennellement à soutenir Formose. Le 28 octobre 1971, la Chine avait été admise à l’ONU et Formose en était exclue. En cette même année, du 22 au 30 mai, Nixon se rendait à Moscou. Pourtant au cours des années 1980-1985, Reagan a poussé au maximum la course aux armements. Incapable de poursuivre à ce rythme cette course, la bureaucratie du Kremlin a capitulé.

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Aujourd’hui, les États de l’ex-URSS, de l’Est de l’Europe, sont des États bourgeois en reconstruction. En URSS, l’État ouvrier était issu de la mobilisation des masses, de la Révolution d’Octobre 1917, de la prise du pouvoir par le parti bolchevik devenu majoritaire dans les Soviets. La dégénérescence de cet État amenait la IVème Internationale à le caractériser comme un État ouvrier dégénéré. Dans la partie Est de l’Europe occupée par l’armée de l’URSS au sortir de la 2ème Guerre mondiale, les États bourgeois ont été transformés par la bureaucratie stalinienne en États ouvriers bureaucratiques. En Chine, après la prise du pouvoir par le PCC en 1949, la bureaucratie maintien les rapports bourgeois de propriété. C’est lors de la guerre de Corée, pour les besoins du combat, que l’appareil du PCC exproprie la bourgeoisie. Un processus du même type s’est déroulé à Cuba. Ces États étaient des États bureaucratisés dès le départ. Les superstructures de ces États étaient depuis longtemps bourgeoises, leurs infrastructures économiques et sociales sont redevenues en totalité bourgeoises dans les États issus de l’éclatement de l’URSS, dans les États de l’Est de l’Europe (ce sont aujourd’hui des États bourgeois) ; elles sont à la limite de l’être à Cuba et en Chine.

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Il est indispensable de caractériser ce que la restauration du capitalisme signifie pour le prolétariat russe, les prolétariats de l’ex-URSS, de la partie Est de l’Europe que la bureaucratie contrôlait : une très dure défaite historique ; et pas seulement pour ces prolétariats, pour le prolétariat mondial également. La contre-révolution sociale triomphante en URSS rejette loin en arrière le prolétariat mondial. Les prises de position des partis social-démocrates, des PC le montrent à l’évidence. Jusqu’alors, ils devaient se réclamer formellement (les dimanches et les jours de fête, il est vrai) du socialisme, du communisme pour garder leur emprise sur les prolétariats. Désormais ils les rejettent et les dénoncent en les identifiant au régime stalinien et en déclarant que le socialisme, le communisme ont fait faillite, ils se situent ouvertement dans le cadre de la prétendue "mondialisation du capital" (voir la suite de ce texte).

Le Comité pour la construction du Parti ouvrier révolutionnaire, la construction de l’Internationale ouvrière révolutionnaire doit avoir pleine conscience de cette défaite. La Révolution sociale est à refaire. Pour l’instant, les prolétariats ne peuvent partir que de la défense de leurs conditions de travail et de vie pour engager le combat et non plus de l’acquis que représentait l’expropriation du capital en URSS et dans les pays de la partie Est de l’Europe.

RÉPERCUSSION SUR LES PROLÉTARIATS DES PAYS CAPITALISTES

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Trotsky considérait que la restauration capitaliste en URSS serait un coup très dur pour le prolétariat de tous les pays, y compris pour ceux où se maintenait le mode de production capitaliste. Cela se vérifie aujourd’hui. La restauration capitaliste est à peine achevée dans les pays de l’ex-URSS, ceux de la partie Est de l’Europe, que les prolétariats des pays où le capitalisme s’étant maintenu marquent durement le coup.

Pour la classe ouvrière mondiale, la victoire de la révolution russe a signifié que dans tous les pays elle pouvait prendre le pouvoir, qu’elle pouvait détruire l’État bourgeois, construire son propre État, exproprier le capital, organiser une nouvelle économie.

Mais en URSS l’État ouvrier a dégénéré. Dans la partie Est de l’Europe, en Chine, au Vietnam etc... le capital a également été exproprié. Mais les États ouvriers ont été des États ouvriers bureaucratisés dès leur origine. Dans tous les cas ils avaient des aspects repoussants. Déjà pour des couches de plus en plus importantes de travailleurs des pays capitalistes ils sont devenus des repoussoirs. Cela s’est aggravé après les répressions sanglantes au moyen desquelles l’armée de la bureaucratie a écrasé les mouvements révolutionnaires de juin 53 dans la partie Est de l’Allemagne, de Hongrie de novembre-décembre 1956, de Tchécoslovaquie en 1968.

Désormais une nouvelle étape est franchie, celle de la restauration capitaliste. Il apparaît à la quasi totalité du prolétariat que les États ouvriers ne sont pas viables, qu’ils étaient voués à dégénérer et à s’effondrer, à être balayés, que la restauration capitaliste était à plus ou moins longue échéance inéluctable. Cela les déboussole politiquement. Bien entendu la bourgeoisie enfonce le clou, elle ne cesse de marteler que l’aventure est terminée, qui s’achève par un formidable fiasco. Cette situation totalement nouvelle pour la classe ouvrière permet aux chefs des partis social-démocrates et staliniens de se "déboutonner" : enfin ils peuvent parler franchement, enfin ils peuvent exprimer leur véritable nature, enfin ils peuvent se vautrer dans l’auge idéologique de la bourgeoisie. La situation nouvelle le leur permet, la bourgeoisie l’exige : ils doivent devenir les agents les plus efficaces du décervelage planifié, systématique, de la classe ouvrière. Ils doivent entreprendre le désarmement théorique généralisé de la classe ouvrière et de la jeunesse ; leur tâche correspond à la situation nouvelle. Partis social-démocrates et partis staliniens sont, de longue date, des partis passés du côté de l’ordre bourgeois, définitivement en 1914 pour les partis social-démocrates et en 1933 pour les partis staliniens. Ces "partis ouvriers bourgeois", irréversiblement contre-révolutionnaires, ont vu leurs relations avec les masses évoluer au cours de leur histoire ; ces relations et la forme de leur politique se sont modifiées selon la période. Celle ouverte en 1989 par la chute du mur de Berlin marque un incontestable tournant.

DÉSARROI OUVRIER ET BAD-GODESBERG GÉNÉRALISÉ

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Il faut retenir que c’est au lendemain de l’écrasement par les tanks de la bureaucratie du Kremlin du mouvement révolutionnaire de la partie Est de l’Allemagne, puis de la révolution hongroise, qu’à son congrès de Bad-Godesberg de 1959, la social-démocratie allemande a adopté un nouveau programme dans lequel on lit : "le socialisme démocratique qui, en Europe, trouve ses racines dans l’éthique chrétienne, dans l’humanisme et dans la philosophie classique ne prétend pas proclamer des vérités dernières. (...) Le Parti Social démocrate d’Allemagne est le parti de la liberté de l’esprit. Il constitue une communauté d’hommes qui viennent de différentes directions de croyance et de pensée. Leur accord repose sur des valeurs morales communes et sur des buts politiques identiques. Le Parti social-démocrate vise à établir un système de vie dans l’esprit de ces valeurs". Ce programme ne fait pas mention de la lutte des classes ni même des intérêts spécifiques de la classe ouvrière. Le SPD devient un "parti du peuple". Non seulement toute référence au marxisme, au socialisme, est abandonnée mais il s’agit, par la cogestion des entreprises, de défendre la propriété privée des moyens de production, dans le cadre de la "loi fondamentale de la République fédérale".

Même aujourd’hui, il semble difficile de faire pire en matière de programme... Un tel programme, c’est un coup porté au combat de la classe ouvrière allemande, à son organisation comme classe. Mais un tel programme ne surgit pas n’importe quand. L’abandon de toute référence, même formelle, au socialisme et à la classe ouvrière est un processus généralisé pour les partis qui n’avaient pas encore procédé, comme le SPD allemand, à leur "Bad-Godesberg". Mais il y a une différence majeure : c’est en s’appuyant sur l’effondrement de l’ex-URSS, et la liquidation de la propriété d’État des moyens de production, de l’économie planifiée, du monopole du commerce extérieur, que sont menées ces offensives contre toute référence au socialisme. C’est en affirmant mensongèrement au côté de la propagande bourgeoise : "vous voyez bien que tout cela a échoué, que le socialisme est impossible" que les partis social-démocrates, SPD allemand inclus, expliquent aujourd’hui à la classe ouvrière (et cela au côté des partis d’origine stalinienne) que seul le capitalisme a un avenir. De ce point de vue, Bad-Godesberg n’était qu’un préambule.

Le Labour Party a effectué des avancées décisives sur cette voie. En avril 1995, dans la salle même où avait été adoptée, 77 ans avant, la Constitution du Labour Party et en particulier sa clause 4, la direction du Labour faisait abroger la clause 4 imprimée au dos des cartes des militants pour la remplacer par un laïus où il est question d’un parti "démocrate-socialiste qui croit que, par nos efforts communs nous obtiendrons plus qu’individuellement..." et "d’une économie dynamique servant l’intérêt général, dans laquelle l’initiative de marché et la rigueur de la compétitivité s’unissent aux forces du partenariat et de la coopération pour produire la richesse nécessaire à la nation et à chacun sa chance de réussir, avec un secteur privé florissant et des services publics de qualité (...)" ; en bon anglais, cela veut dire : vive le capitalisme ! Dans la logique de ce retournement important, Tony Blair expose dans son intervention du 29 avril :

"Le nouveau Parti travailliste, c’est une économie fondée non pas sur le contrôle étatique ou sur la ligne pure du marché, mais sur le partenariat". A partir de quoi le Labour doit cesser d’être le parti de la classe ouvrière : le nouveau Parti travailliste, "cela signifie changer les lignes de fracture entre la gauche et la droite".

Cet abandon, historique, de la clause 4 s’inscrit dans la suite de la réforme lancée deux ans avant pour changer les modalités de vote dans le parti, l’introduction de la modalité dite "un homme / une voix" visant à ce que le Labour échappe complètement au contrôle des syndicats sur le parti. D’autres réformes pour réduire davantage le poids syndical ont été annoncées. Or cette question est décisive pour un parti fondé historiquement par les syndicats. Rompre ce lien, c’est contribuer à le détruire comme parti ouvrier.

Au sein du parti socialiste français, des offensives liquidatrices analogues ont été conduites à plusieurs reprises ; sans être nécessairement couronnées d’un succès immédiat, ces différentes offensives (incarnées en particulier par Rocard, puis Delors, maintenant par Jospin, Aubry...) ont affaibli le PS comme parti ouvrier et mis le PS en situation d’être, plus ouvertement qu’il ne le fut jamais, le relais dans de mouvement ouvrier de l’offensive de la bourgeoisie. CPS d’août 94 écrivait ainsi, après l’échec de la dernière tentative de Rocard :

"L’éviction de Rocard permet d’affirmer que sa tentative de liquider le PS a échoué. Mais la crise du PS est ouverte. C’est désormais dans le soutien à une candidature Delors à la présidence de la République que se sont rassemblés les naufrageurs du PS". De fait, c’est bien cette opération qui fut conduite jusqu’à la désignation par le PS de Delors comme son candidat. Finalement, c’est Delors qui s’est désisté, mesurant l’hostilité de la classe ouvrière. Mais le PS fut affaibli politiquement par cette désignation comme il le fut peu de temps après par la manière dont Jospin fut désigné candidat du PS à l’élection présidentielle. Le mépris du candidat Jospin pour le programme du parti socialiste, la teneur de son propre programme à la remorque de celui de Chirac, l’éviction d’Emmanuelli remplacé par Jospin à la direction du PS, etc... tout cela va dans le sens de la destruction du PS au profit d’un "rassemblement à gauche". Mais il n’y a aucune place pour un tel rassemblement. La force du PS, ce fut d’occuper la place que laissait vide l’ex-SFIO, d’apparaître aux yeux des masses ainsi qu’un parti ouvrier, en réalité ouvrier bourgeois. Sa défaite électorale vint du fait qu’il s’est mis entièrement au service de la bourgeoisie en crise, de l’impérialisme français décadent. Il n’y a pas de base de masse pour un "rassemblement de la gauche" tentant de concurrencer les partis bourgeois déjà en place pour la défense du régime capitaliste.

L’offensive des liquidateurs du PS n’en continue pas moins, sous des formes diverses, car il s’agit d’adapter le PS aux exigences présentes d’un impérialisme en crise ; Que le PS contribue à la remise en cause de tous les acquis de la classe ouvrière par le désarmement politique de celle-ci : tel est le rôle du premier des trois documents programmatiques adopté à la quasi unanimité par le conseil national du PS dans la perspective des prochaines élections. Il s’agit d’une offensive brutale contre toute perspective - même lointaine, même "gradualiste" - de socialisme : il ne doit plus y avoir pour la classe ouvrière d’autre avenir que le capitalisme.

Dans Vendredi n° 276 Jospin présente le document qui sera voté par la Conférence nationale du PS en ces termes : la mondialisation "est une donnée fondamentale, qui touche aujourd’hui l’économie, la culture, les relations internationales. Elle recèle des potentialités, mais comporte aussi des risques et engendre des dégâts. Il s’agit bien d’un nouvel âge du capitalisme, porteur d’inégalités et d’un affaiblissement de l’État-nation. C’est pourquoi la mondialisation appelle une régulation mondiale, pour laquelle nous faisons des propositions". Le n° 62 de CPS commente ce texte (pages 4 et 5).

Dans la continuité du texte "Mondialisation, Europe, France" la direction du PS a élaboré un autre texte qui a été adopté le 8 juin 1996 par le Conseil national. Il est intitulé "les acteurs de la Démocratie". Dans un prochain numéro de CPS ce texte devra être analysé.

"L’Internationale Socialiste" est la seule "Internationale" qui subsiste. Mais quelle Internationale ! Pierre Mauroy la préside ; y appartiennent les partis socialistes et social-démocrates sur les bases que nous venons de voir. Demandent à y adhérer, ou y appartiennent déjà des partis d’origine stalinienne de pays de la partie Est de l’Europe et rebaptisés socialistes ou social-démocrates, l’ex-PCI devenu PDS, des Partis comme celui d’Abou Diouf du Sénégal ; le PT du Brésil ; des Partis ouvertement bourgeois comme celui de l’ex-président du Venezuela Carlos Andrès Pérez (Action démocratique) qui les 27-28-29 mars 1989 a fait massacrer des centaines de travailleurs à Caracas ; d’autres encore. Cela n’a plus rien à voir avec une Internationale ouvrière même traître et dégénérée. Mais c’est un lieu où s’affirme une coopération au service de l’impérialisme entre PS, partis social-démocrates, ex-staliniens et carrément bourgeois ultra-réactionnaires.

LES PC

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Le PCF, le PCI et tous les partis qui furent des agences de la Bureaucratie du Kremlin rejettent, avec non moins de force que les PS et les partis social-démocrates les notions de classe ouvrière, de prolétariat, de même qu’ils se prononcent contre l’expropriation des moyens de production et d’échanges. Concernant le "communisme", ils en sont ou même point que les PS en ce qui concerne le "socialisme". Ils mettent en cause jusqu’à la révolution d’Octobre. De ce point de vue la préparation du 29ème Congrès du PCF est "exemplaire". Dans une des "questions" posées aux militants, on lit : "Le 28ème Congrès a invité à une réflexion plus poussée sur les conceptions qui ont sous-tendu, des décennies durant, les visions de la société, de la révolution, du socialisme et du rôle d’un parti révolutionnaire. L’étatisme, le dirigisme en étaient la clé de voûte, l’égalitarisme et la subordination des individus le corollaire. Or, le système étatique ne laisse-t-il pas se perpétuer une triple aliénation à l’égard des moyens de production, des pouvoirs et des savoirs ? Débarrasser le type de développement engendré par le capitalisme ne suppose-t-il pas un effort de créativité de portée historique pour dépasser l’étatisme et toutes les formes de domination ? N’est-ce pas parce qu’elle ne veut pas affronter cet impératif que la social-démocratie est dans l’impasse ? Toutes les forces progressistes sont confrontées à ce défi.

Marx avait mené en son temps une critique acérée contre les doctrinaires qui prétendaient normaliser et moraliser la société par décret d’État. Il s’était attaché à comprendre le mouvement réel dans ses contradictions. Il y a découvert la possibilité historique du dépassement des sociétés de classe, d’un communisme dans lequel "le libre développement de chacun conditionne le libre développement de tous". Ses théorisations vivantes les plus avancées ont été ensuite largement laissées en friche, dénaturées ou prises à contresens. Le "marxisme-léninisme" a façonné, pour des générations, une vision de la Révolution schématisée en un catalogue de "lois" qui se prétendaient science de l’histoire. L’énoncé de principes définitifs, d’étapes, d’une visée de la Révolution en un "grand soir" d’abolition y a remplacé l’élucidation de questions qui allaient se révéler décisives en ce seuil de bouleversements historiques où se joue le devenir humain. La mutation communiste a déjà son histoire. L’abandon de la notion de dictature du prolétariat en 1976 lance le projet de socialisme à la française démocratique et autogestionnaire. La voie est ouverte pour se dégager du système des conceptions codifiées par la IIIème Internationale : marxisme-léninisme, parti-guide, centralisme démocratique".

Le texte reprend ici les discours bourgeois les plus éculés, l’assimilation "étatisme, égalitarisme, stalinisme". Bien évidemment, Marx est appelé à la rescousse... pour remettre sur la table le brouet ranci de l’anarchisme. En appeler à Marx contre "l’étatisme", contre l’État ouvrier, la dictature du prolétariat, est une remarquable escroquerie. Il suffit de rappeler, parmi tant de texte, cette lettre de Marx à Joseph Weydemeyer (5 mars 1852) : "Ce n’est pas à moi que revient le mérite d’avoir découvert l’existence des classes dans la société moderne, pas plus que la lutte qu’elles s’y livrent (...) Mon originalité a consisté :
  1. à démontrer que l’existence des classes n’est liée qu’à des phases historiques déterminées du développement de la production ;
  2. que la lutte des classes mène nécessairement à la dictature du prolétariat ;
  3. que cette dictature elle-même ne représente qu’une transition vers l’abolition de toutes les classes et vers une société sans classes".
Il suffit d’évoquer la déclaration assassine envoyée par Marx et Engels, en juin 1850, au rédacteur en chef de la Neue Deutsche Zeitung, lequel avait reproché à Marx "de préconiser la domination et la dictature de la classe ouvrière" en y opposant "l’abolition de toutes les différences de classe". Et Marx de rappeler, entre autres, le Manifeste du Parti communiste : "Si le prolétariat, dans sa lutte contre la bourgeoisie, se constitue nécessairement en classe, s’il s’érige par une révolution en classe dominante et, comme classe dominante, détruit par la violence l’ancien régime de production, les conditions de l’antagonisme des classes, il détruit les classes en général et, par là même, sa propre domination en tant que classe". Un autre texte rappelé indique que "la dictature du prolétariat" est "le point de passage nécessaire pour abolir l’ensemble des relations sociales correspondant à ces rapports de production". (Cela était écrit bien avant la Commune de Paris, dont Marx tirera des enseignements décisifs sur la question de l’État). Mais la tâche actuelle du PCF, c’est d’utiliser tout son appareil, tous ses moyens de propagande, pour propager l’obscurantisme politique dans la classe ouvrière et la jeunesse. La révision théorique est donc systématique ; le PCF ne doit pas "privilégier les intérêts d’une classe particulière" ; de "nécessaires transformations" sont "à faire prévaloir pour dépasser les contradictions de classe et progresser" ; et, contre ceux qui "évoquent la nécessité d’aborder la question : propriété collective des grands moyens de production et d’échange, le Comité national propose de réfléchir dans une approche nouvelle des relations entre pouvoirs, gestions et formes de propriété afin d’éviter étatisme et collectivisme".

L’objectif est donc tracé : le PCF doit devenir un parti qui combat ouvertement contre l’expropriation du capital, contre l’État ouvrier, l’économie planifiée et la propriété étatique, un parti qui combat publiquement contre le socialisme.

"DÉPASSER LE CAPITALISME"

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"Dépasser le capitalisme", telle est aujourd’hui la formule fétiche des dirigeants du PCF, formule ambiguë à souhait mais qui ne résiste guère à l’analyse.

Certes, disent-ils, il y a "crise" et l’on va "vers une société plus dure, plus injuste", mais la raison n’en est pas la crise du capitalisme pourrissant, car "pourtant existent des possibilités". La raison en est le "choix de classe des milieux dirigeants de l’économie et de l’État".

Le capitalisme a donc encore un avenir, avec d’autres choix possibles...

Si les textes du PCF sont plus "enveloppés", parfois volontairement moins clairs que ceux du PS, ils n’en sont pas moins sur la même ligne. Ainsi de la "mondialisation" qui recèle, comme pour le PS, des aspects positifs, sous réserves d’autres choix politiques... et cela sans exproprier le Capital :

"Cette internationalisation ne peut-elle être porteuse que de négatif ? Les progrès formidables dans les possibilités d’échanger, de coopérer, de partager les recherches ne pourraient-ils pas contribuer à un nouveau développement au niveau de la planète ? Faut-il admettre comme une fatalité qu’ils soient aujourd’hui imprégnés par la logique des marchés financiers avec son cortège de chômage massif et durable, de déréglementation, de délocalisations, de destructions, de privatisations et de mise en concurrence sauvage des salariés et des peuples ? Cela ne découle-t-il pas de choix politiques, de choix de gestion ? (...)

" Nous pensons que d’autres choix politiques peuvent défaire ce que des choix politiques on fait. La question n’est pas de nier les réalités de l’internationalisation des économies. Elle est d’opposer aux ravages destructeurs de la "mondialisation" actuelle une autre mondialisation : une "mondialisation-coopération" au service du co-développement des peuples. (...)

" C’est bien d’un choix de société qu’il s’agit. Et le choix que proposent les communistes est celui du dépassement du capitalisme, celui du dépassement du "tout-argent" pour le tout-humain".

CPS analysera le 29ème Congrès du PCF.

LA CARACTÉRISATION DU "STALINISME"

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A propos des partis qui ont fait partie de l’appareil stalinien, il faut signaler qu’ils ne sont plus, au sens strict, des partis staliniens. D’abord en URSS la bureaucratie stalinienne s’est disloquée, les différents fractions qui ont résulté de cet éclatement sont officiellement restaurationnistes. Ce sont des chrysalides d’une nouvelle bourgeoisie. Les PC étaient des partis staliniens parce qu’ils étaient totalement subordonnés à la bureaucratie du Kremlin. Dans la mesure où elle a éclaté, par la force des choses ils ne le sont plus. Des partis comme le PCF ne sont plus au sens strict des partis staliniens mais des partis ex-staliniens et en décomposition. De tels Partis sont déstabilisés, à la dérive. C’était leur référence frelatée, mensongère à la Révolution d’Octobre via la bureaucratie du Kremlin qui était leur caractéristique essentielle, leur justification historique. Ils ont perdu celle-ci sans en avoir retrouvé une autre. Et ils ne peuvent en retrouver une autre. C’est sur leur force acquise qu’ils continuent à jouer un rôle politique. La place du "réformisme" est occupée par les PS et les Partis Social-démocrates (et l’on vient de voir quelle est leur dégénérescence). Les PC sont amenés à tenter de les concurrencer sur ce plan. Mais il n’y a pas à longue échéance de place pour eux et ils sont voués à la décomposition.

AUX CÔTÉS DES PARTIS OUVRIERS-BOURGEOIS...

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L’entreprise de désarmement théorique et politique conduite par les partis ouvriers-bourgeois est conduite de manière analogue par les appareils syndicaux. Un seul exemple : à l’occasion du 45ème Congrès de la CGT française, l’appareil procédait à une remise en cause des anciens statuts et en particulier de l’article 1 qui indiquait "la CGT s’assigne pour but la suppression de l’exploitation capitaliste". L’appareil utilise l’organisation syndicale, sa presse, etc... pour propager le même discours que le PCF, en particulier sur la "démocratie dans l’entreprise" (c’est à dire : la cogestion), la mondialisation, l’État, etc...

Cette entreprise de désarmement politique est relayée par différents groupes issus du "gauchisme" (d’un gauchisme très décomposé) dont certains se réclament (de plus en plus rarement) du Trotskisme. Le SU est le groupe phare sur le marché du pseudo-trotskisme. Son "14ème Congrès mondial" a clairement affirmé que son "orientation programmatique générale" n’était pas celle de la destruction de l’État bourgeois, de l’expropriation du capital, de la dictature du prolétariat mais celle du "remplacement de l’État bourgeois par l’administration étatique de producteurs eux-mêmes (...)" du "socialisme démocratique, fondé sur la propriété sociale des moyens de production sociaux (...)" : les termes sont soigneusement pesés, et en particulier la formule "propriété étatique" des moyens de productions soigneusement éliminée. Le SU, lui aussi, s’adapte aux exigences contre-révolutionnaires de l’heure, à la place qui est la sienne ; une formulation concentrée de cette orientation a été donnée par un discours de Daniel Bensaïd

DANIEL BENSAÏD ÉDUQUE POLITIQUEMENT LA JEUNESSE...

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Daniel Bensaïd est officiellement "membre de la Ligue communiste révolutionnaire, membre de la direction de la Quatrième Internationale", organisations que la presse bourgeoise se plaît à qualifier de "trotskiste". En 1995 s’est tenu le "XIIème camp international de jeunes" chargé donc de former de futurs "jeunes révolutionnaires". Daniel Bensaïd a été chargé de prononcer le discours de clôture de ce camp de formation. Un naïf, ou un jeune auditeur croyant sincèrement que la jeunesse est la flamme de la révolution, pouvait raisonnablement s’attendre à un discours qui galvanise quelque peu les jeunes troupes rassemblées.

Mais les temps ont changé..."Aujourd’hui, après les désastres à l’Est, beaucoup se demandent si la révolution et le socialisme sont encore souhaitables". C’est ainsi que le discours commence, évoquant "les régimes qui se sont effondrés avec le mur de Berlin et la désintégration de l’URSS" sans prononcer une seule fois les mots, sans doute tabou, de "stalinisme, de bureaucratie, d’État ouvrier (dégénéré), de réintroduction du capitalisme". Tout le discours, consacré à "une autre idée du progrès" et à "quel socialisme voulons-nous", constitue en lui même une authentique entreprise de désarmement politique de la jeunesse. Le vocabulaire est soigneusement choisi. Sont systématiquement évités les termes suivants : "État, État ouvrier, prolétariat, classe ouvrière, dictature du prolétariat, soviet, capitalisme, classe, lutte de classe, expropriation etc...". Néanmoins on apprend qu’"il est plus que jamais nécessaire de changer le monde. Le rôle des révolutionnaires étant de faire en sorte que cette nécessité devienne possible". On reprend alors son souffle : peut-être n’était-ce qu’un problème de vocabulaire ? d’ailleurs, on nous parle de "socialisme".... Las ! Daniel Bensaïd est chargé de calmer les têtes chaudes : si son "projet révolutionnaire" envisage de "toucher (sic) à la sacro-sainte propriété privée des grands moyens de production et de communication" (...) "cela n’implique pas une étatisation totale des grands moyens de production et d’échange, mais de donner à la collectivité les moyens de choisir et de contrôler son avenir". D’où l’objectif central : "Promouvoir la démocratie (...) étendre la démocratie de la sphère institutionnelle à celle de la production et de la culture, en généralisant l’autogestion...." En clair : Respectons l’État bourgeois ! Respectons la propriété capitaliste ! Vive la cogestion !

Le très "révolutionnaire" Bensaïd reprend explicitement l’actuel discours stalinien. Petit bourgeois réactionnaire, il a un rôle à jouer : désarmer politiquement la jeunesse, compléter l’entreprise conduite par le PCF et le PS. D’où le label de "trotskiste" qui lui est gracieusement attribué par la presse bourgeoise ; D’où la place de choix que lui offre l’appareil stalinien, à lui et à son compère Krivine, dans quelques forums communs.
 
 

 



 

L’IMPÉRIALISME EN CRISE

LA PROSPÉRITÉ, SES LIMITES, SES CONTRADICTIONS :
AU BOUT LA CATASTROPHE

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Du point de vue du capital, le moment actuel s’inscrit dans une période de prospérité (depuis 1990) rarement égalée. Quelques indications : L’Expansion du 30 février au 5 mars 97 a publié une étude intitulée : "Le bilan de la croissance". On y lit : "En 1997, neuf pays sur dix connaîtront la croissance : une conjonction aussi favorable ne s’était pas produite depuis vingt ans. La poussive Europe elle-même devrait être entraînée dans le tourbillon".
CROISSANCE EN 1997 (en % du PIB) RICHESSE CRÉE EN 1996 (en milliards de dollars)
Lesotho 10,1% Japon 177,8
Maroc 10% États Unis 167,1
Chine 9,7% Chine 72,3
Vietnam 9,2% Corée du Sud 31,4
Malaisie 8,3% Royaume Uni 24,4
Guinée Équatoriale 8% Allemagne 22,6
Géorgie 8% France 18,1
Chili 7,5% Inde 17,9
Indonésie 7,5% Brésil 17,5
Turquie 7,5% Taiwan 16

"Sur les dix plus fortes croissances de 1996, quatre sont le fait de pays asiatiques. L’Asie se trouve également bien placé dans les richesses créées en 1996, la Chine occupant le troisième rang. Mais dans ce classement, les pays industrialisés gardent l’avantage". Selon la suite de cette enquête les raisons sont annoncées page 100.

Moteurs d’hier

Le modèle des années 70 et celui des années 90

On considérait à l’époque qu’un pays "sous-développé" avait besoin de trois ingrédients pour se développer :

  • l’aide financière par des gouvernements riches et des organismes internationaux pour compenser un retard industriel,
  • Un engagement de l’État dans la production de biens de consommation et la construction d’infrastructures, pour garantir un développement équitable,
  • de nombreuses barrières tarifaires, pour interdire les importations et ainsi protéger l’industrie nationale de la concurrence des pays riches plus productifs.
Moteurs d’aujourd’hui

Aujourd’hui, on explique la forte croissance des "pays émergents" par trois facteurs complètement différents, voire opposés aux préconisations des années 70 :

  • la présence de l’investissement financier et industriel privé, plus efficace parce que plus exigeant que l’aide publique qui s’est quasi tarie,
  • l’amaigrissement du secteur public par la privatisation des entreprises industrielles,
  • l’ouverture au commerce international qui a créé de véritables machines exporter les biens industriels.
En réalité un processus classique en cas de crise du régime capitaliste, bien que freiné par les monopoles et la pratique politique (économie d’armement) a fini par s’imposer : l’élimination massive du capital obsolète, une dévalorisation considérable du capital constant et de la valeur de la force de travail, d’où résulte une hausse nouvelle du taux de profit qui incite à des investissements, d’autant plus que la concurrence y pousse aussi. Dès lors, commence un nouveau cycle de l’économie capitaliste. C’est ce qui s’est produit et notamment aux Etats-Unis.

Mais d’autres facteurs antérieurs doivent être soulignés. Il n’y a rien de fortuit à ce que l’offensive contre la valeur de la force de travail, les conquêtes et les acquis de la classe ouvrière s’engage pleinement à partir du début des années 1980. En Angleterre, le chômage est passé de 5,2% de la population active au début 1980 à plus de 12%. Aux États-Unis, il est passé de 5,5% au début 1980 à plus de 10% fin 1982. Ce haut niveau de chômage a été un élément qui a contribué au succès des attaques de Thatcher et de Reagan contre les prolétariats de leurs pays, la réduction drastique, la liquidation de nombre de leurs garanties, de leurs conquêtes. Le succès de ces attaques a donné un avantage considérable aux capitalismes américain et anglais vis à vis de leurs concurrents impérialistes.

Pendant des années, l’impérialisme américain a considéré comme négligeables les déficits de ses balances commerciale et des comptes courants. L’impérialisme américain a comblé ces déficits en ayant recours au marché financier international. Cependant l’abondance de dollars a finalement entraîné sa rapide dépréciation. Au début 1976, un dollar égalait 2,75 DM, fin octobre 1978, il n’égalait plus que 1,78 DM. Continuer ainsi précipitait la dégringolade jusqu’à la catastrophe, avec comme implication la dissolution des échanges mondiaux. L’impérialisme américain dût réagir. En novembre 1978, Carter annonçait son "plan".

DU PLAN CARTER "AU PRIME RATE" À 21%

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Mobilisation d’un fonds correspondant à 30 milliards de DTS (Droits de Tirages Spéciaux) ou en devises étrangères, tirage de 3 milliards de dollars sur le FMI, vente de 2 milliards de DTS, accord "SWAP" (crédits réciproques entre banques centrales à court terme, mais renouvelables en devises étrangères), 6 milliards auprès de la Bundesbank, 5 milliards auprès de la banque du Japon, 4 milliards auprès de la banque nationale Suisse , libellés en Marks, en Yens, en Francs suisses, donc remboursables dans ces devises.

Le taux d’escompte était porté de 8,5 à 9%, les taux des réserves obligatoires des banques sur les dépôts à terme faits à leurs guichets étaient considérablement abaissés, doublement des ventes d’or du Trésor américain : 1 500 000 dollars par mois au lieu de 750 000. Immédiatement, le dollar remontait par rapport à l’or et aux devises. mais quelques jours après la tendance à la dépréciation du dollar réapparaissait.

Les causes profondes de cette dévalorisation n’ont pas pour autant disparu. À partir de là, la spéculation contre le dollar et les autres monnaies en faveur de l’or s’est déchaînée. Le cours de l’or a continué à augmenter pendant l’année 1979. Il est passé de 240 dollars l’once en janvier à 500 en décembre. Pourtant le "prime rate" a été élevé au cours de cette année à 15,75%. En janvier 1980, c’est la panique : il faut 850 dollars pour une once d’or ; le dollar exprimé en DM atteint son plus bas niveau : 1,70. Le 2 avril 1980, le taux du "prime rate" est porté à 20%. En mars l’once d’or redescend à 474 dollars ; le cours du dollar exprimé en francs atteint 4,5, exprimé en DM, 1,769. La FED abaisse le "prime rate" à 11%. Nouvelle chute du dollar ; en septembre, il faut 920 dollars pour une once d’or, il ne vaut que 4 Francs et 1,74 DM. Fin 1980, le "prime rate" est porté à 21%.

Cette hausse a été indispensable pour attirer les capitaux flottants et spéculatifs aux États-Unis. En 1980, la hausse des prix atteint 19,6%. La différence entre la hausse des prix et le taux d’intérêts donne une idée du profit réel.

Dans le même temps, à l’occasion du renversement du Shah d’Iran, les émirs du pétrole ont déclenché une hausse du prix du pétrole brut. Entre 1979 et novembre 1980, il est passé de 14,5 dollars à 34 dollars le baril. C’était une ponction considérable sur la plus-value produite et réalisée dans les pays non producteurs de pétrole ( les États-Unis payent en dollars qu’ils émettent).

En 1980, une nouvelle crise émerge. Elle sera surmontée à partir de 1982 par un accroissement considérable des dépenses d’armement : le "remède" Reagan. Le déficit avait été financé jusqu’alors en grande partie par les émissions monétaires. À partir de 1978, lui succède une politique "monétariste". Elle consiste en un freinage de la circulation monétaire, de l’inflation de crédit et de plus en plus au financement des déficits par l’emprunt et corrélativement à la suppression des contrôles sur le capital financier.

Pourtant au cours des années suivantes, le dollar connaît une hausse spectaculaire. En 1984, il est passé de 2,52 DM en avril à 3,09 fin décembre. Les facteurs de cette hausse étaient la demande commerciale, les emprunts effectués par le Trésor des États-Unis, les besoins des pays endettés d’Amérique latine notamment, il paraissait profitable d’investir dans une économie alors rentable.

En 1985, un phénomène important s’est produit : le dollar est parti à la hausse en raison de la spéculation. Le 26 février 1985, le dollar correspondait à 10,81 Francs et à 3,47 DM. Des déclarations de Paul Volker, président de la FED, entraînaient la baisse du dollar. En juillet, il glissait à 9 Francs et 3 DM. Le 22 septembre, à New-York, se réunissaient les Cinq pour mettre au point des mesures pour faire chuter le dollar. Le dollar tombait à la fin de l’année à 2,5 DM 7,70 Francs, 200 Yens soit environ 20% de baisse en un an. En 1986, il chutait à nouveau de 20%. Ce recul du dollar était soigneusement programmé "ordonné" au terme de l’accord conclu le 25 septembre 1985 entre les Cinq.

Ces années sont celles du développement des quatre "dragons" asiatiques : Singapour, Taiwan, Corée du Sud, Hongkong. Elles sont aussi celles de l’envol de la bourse. À partir de 1982, sous l’effet d’une libération de certaines contraintes, la bourse de New-York s’envole : le Dow Jones n’était qu’à 600 points. Il atteint 2 700 points le 25/03/87, soit une hausse de 450% entre 82 et 87. Mais le 27/10/87, c’est le krach. Il retombe à 1780 points.

En 1988, une reprise économique limitée a lieu, mais elle ne dure pas, et en 1989, se produit ce qui fut appelé un "mini krach" : le 13 octobre, le Dow Jones perdait 190 points. En 1990, Georges Bush succède à Reagan. Cette même année, le 17 janvier 1991, sous la direction de l’impérialisme américain "une foudroyante défensive" était déclenchée contre l’Irak qui avait occupé le Koweït.

L’essor économique du capital américain de 1990 a été favorisée par les coups portés au prolétariat des États-Unis. En août 1981, Reagan licencie collectivement douze mille contrôleurs de la navigation aérienne, sans que l’AFL-CIO réagisse. C’est un coup politique très dur porté au prolétariat américain dont les répercussions se perpétuent au cours des années. Où en sommes nous aujourd’hui ?

L’économie capitaliste engendre nécessairement de multiples déséquilibres, entre les différentes puissances impérialistes : États-Unis, Japon, Communauté européenne. Elle entraîne un chômage massif notamment en France et en Allemagne. Elle est encore très prospère parce qu’engendrant des hauts taux de profit. Pourtant d’ores et déjà, on perçoit ses limites qui résultent de la contradiction entre le caractère social de la production et l’appropriation privée des moyens de production.

La "prospérité" actuelle se prolongera peut-être encore, mais il faut en voir les conditions et ce qu’elle provoque et notamment une fantastique spéculation : le CAC40 est passé de 2 000 points au 1/12/90 à 2512 points le 3/2/97. La perspective est évidente en raison des rapports de production capitaliste, une inéluctable crise de dislocation de la production jusqu’à une profondeur insondable. La spéculation conduit a un effondrement d’autant plus catastrophique qu’elle atteindra des sommets .La situation économique mondiale actuelle rappelle celle de l’année 1928.

RIVALITÉS INTER-IMPÉRIALISTES

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La crise récurrente, la menace d’une crise disloquante avive les rivalités inter-impérialistes. À partir de la situation ouverte en 1989, l’impérialisme américain a pris l’initiative, remportant deux victoires, l’une au Moyen-Orient, l’autre dans les Balkans. Mais c’est sur tous les terrains que les USA se disposent. Trois axes majeurs vertèbrent leur offensive :
  • le continent américain qui doit être une chasse gardée des États-Unis, tant économique que militaire,
  • l’Asie Pacifique, où il s’agit de battre en brèche l’influence japonaise, contraindre le Japon à mettre fin à ses excédents commerciaux et financiers, rétablir l’hégémonie américaine sur le Pacifique,
  • - l’Europe, où la puissance acquise par l’Allemagne doit être muselée : faire reculer l’Allemagne au centre et à l’Est de l’Europe, empêcher que ne se constitue (sous contrôle allemand) un marché "fermé" européen, jouer des rivalités entre impérialismes européens. Tenter "d’unifier" les forces productives dans le monde en réorganisant la division du travail selon ses besoins, assurer son hégémonie militaire et imposer sa domination politique : tel est l’objectif.
La bataille entre les impérialismes pour se subordonner les forces productives d’un certain nombre d’espaces économiques (pour réinvestir les espaces où le capital avait été exproprié) ne se mène pas à armes égales. L’impérialisme américain, en dépit de son déclin relatif d’après la deuxième guerre mondiale utilise la place économique politique et militaire qu’il a conquise durant cette guerre. C’est aussi cette "conception du monde" qui s’exprime dans l’idée de "globalisation" et de "mondialisation".

La dislocation de la bureaucratie du Kremlin et des bureaucraties satellites, celle de l’URSS posaient l’alternative révolution politique ou restauration capitaliste. Le fait que ce soient des organisation bourgeoises, petites bourgeoises, des fractions des bureaucraties qui aient pris le contrôle des mouvements révolutionnaires a finalement désarmé les travailleurs et permis la marche à la restauration capitaliste. Nécessairement il en a résulté des modifications importantes dans les rapports inter-impérialistes. En Europe, l’unification de l’Allemagne, l’annulation des limites politiques qu’imposaient à la RFA les séquelles de la défaite de l’impérialisme allemand ont permis à ce dernier d’affirmer sa position prépondérante parmi les puissances capitalistes européennes, à l’intérieur de l’UE. Cette question a été traitée en de nombreux articles de CPS et dans une des notes préparatoires à la IXème Conférence du Comité. Nous y renvoyons les militants du Comité.

Cette note traite également de "l’impérialisme américain reste la seule puissance mondiale". Il serait plus juste d’écrire que avec la dislocation de l’URSS, de la bureaucratie du Kremlin et des bureaucraties satellites, la marche à la restauration capitaliste "l’impérialisme américain est devenu la seule puissance mondiale", l’URSS faisait dans une certaine mesure contrepoids dans le monde à l’impérialisme US. De plus l’antagonisme des puissances impérialistes et de l’URSS contraignait l’impérialisme US à "ménager" les autres puissances impérialistes. Il a même été dans la nécessité d’impulser la reconstruction des autres puissances impérialistes, sa politique d’économie permanente d’armement a profité et renforcé les autres puissances impérialistes, surtout le Japon et l’Allemagne. Aujourd’hui l’impérialisme américain n’a plus cette contrainte. Il peut faire valoir pleinement ses intérêts au détriment des autres puissances impérialistes.

Les analyses, les textes précédents, les articles de CPS ont suffisamment développé la politique de "règlement des conflits régionaux" pratiqués par l’impérialisme US et la bureaucratie du Kremlin, la guerre impérialiste contre l’Irak, l’étranglement du peuple palestinien, la guerre en Yougoslavie et le rôle que l’impérialisme US a joué, pour qu’il soit nécessaire de redévelopper à nouveau. Il suffit de rappeler ici ces événements.

Les militants se référeront aux deux premières parties de "À propos de la mondialisation du capital" et à la contribution à la discussion portant sur l’impérialisme pour tout ce qui concerne l’évolution et la politique économique des puissances impérialistes depuis 1945. De même en ce qui concerne la soi-disant "mondialisation du capital" ils se reporteront aux trois parties du texte "À propos de la mondialisation du capital". Et pour tout ce qui concerne le "gigantesque parasitisme, l’énorme déficit, l’endettement colossal, les rivalités inter-impérialistes", les militants du Comité trouveront les indications nécessaires dans les mêmes textes.

OÙ EN EST "L’UNION EUROPÉENNE"

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CPS a analysé moment après moment la constitution de la CEE, de "l’Union européenne", il a analysé les traités de Maastricht et leurs contradictions. "L’UE" s’approche d’une échéance : celle de la constitution de la monnaie unique, mais il s’agit aussi d’adapter les institutions européennes. C’est ainsi que s’est ouverte à Turin le 29 mars 1996 une Conférence intergouvernementale. Officiellement, il s’agit de compléter le traité de Maastricht pour doter l’UE d’une véritables politique extérieure de sécurité commune et de rendre les institutions européennes plus efficaces dans la perspective de l’élargissement de l’Union aux pays d’Europe centrale et orientale (PECO). En 1994, la démocratie-chrétienne et le gouvernement allemands avaient avancé la proposition d’une Europe avec un noyau dur, c’est à dire un cercle étroit composé de l’Allemagne, de ses vassaux et englobant, ficelant la France. En vain Balladur avait fait la contre-proposition d’une Europe en cercles différenciés, dont un cercle militaire. Mais dix-huit mois ont passé : la crise économique, qui avait semblé s’achever en Europe à la suite de la reprise, limitée, aux États Unis, revient en force, en Allemagne en particulier. En quelques mois et de façon apparemment imprévue par les dirigeants allemands, l’Allemagne s’enfonce dans la "récession.". La réalisation des critères de Maastricht est compromise ; or un échec de l’Union économique et monétaire serait "déstabilisant" pour tout le système financier international. La recherche d’un compromis s’impose donc entre la France et l’Allemagne. Celles-ci mesurent en outre les conséquences de leur rivalité au sein de l’ex-Yougoslavie, dont les USA ont tiré profit.

Du côté français, un document rendu public le 20 février 1996 synthétise les positions du gouvernement français, après qu’il eût été discuté en particulier avec Delors, Jospin et Hue. Sur certains points, le document va dans le sens des désirs allemands. La France propose "d’introduire des voix au Conseil tenant compte des facteurs démographiques et économiques, et de la contribution financière des États membres". Cette proposition donnerait le plus grand nombre de voix à l’Allemagne. Cette proposition ouvre la voie à une seconde qui abandonne la vieille position gaullienne d’élargir de champ des décisions pouvant être prises par vote", le vote reflétant alors la force de chacun. Il s’agit de réduire la place des "petits pays" en particulier de ceux voués à être dominés (Sud et Est de l’Europe), la France postulant à pouvoir les dominer aux côtés de l’Allemagne : une association de brigands. Ainsi est faite la proposition de réduire les effectifs de la Commission (au nom de l’efficacité des débats) alors que chaque pays y est aujourd’hui présent ; tous les pays n’auraient plus droit à un commissaire.

En même temps, les prérogatives des États sont soigneusement préservées par ces propositions. Ce document témoigne donc de la recherche d’un compromis avec l’Allemagne : acceptation d’une Europe à deux vitesses tout en préservant la totalité de ses prérogatives d’État.

L’Allemagne a, de son côté, besoin de l’Union européenne ; c’est devenu pour elle un instrument de domination de l’Europe, de pénétration de nouveaux marchés ; l’UE doit être un dispositif politique qui lui permette de réaliser ce qu’elle a, en d’autres temps, tenté avec les "Panzer divisions". Autre chose est d’y parvenir. C’est pour ces raisons qu’à l’ouverture de la Conférence de Turin, la France et l’Allemagne défendaient des positions communes sur certains sujets mais que le consensus était loin d’être total : cela annonçait de difficiles négociations ultérieures.

Réunis le 13 avril 1996 à Vérone, les ministres des finances des 15 gouvernements ont décidé de créer un nouveau SME qui, à partir de 1999, aurait pour rôle de stabiliser le cours des monnaies qui ne feront pas partie immédiatement de l’Union monétaire (et qui risquent d’être nombreuses...). D’entrée de jeu, la Grande Bretagne rejette le dispositif : il n’est pas question pour eux d’y adhérer. On aura donc ainsi, sur le plan monétaire, une Europe à trois vitesses : les pays utilisant la monnaie unique, ceux relégués dans le SME, et ceux qui ne veulent pas du SME... ou ne peuvent même pas y prétendre.

Plus encore : quelle différence entre ce futur SME et l’actuel qui n’existe guère puisque les bandes de fluctuations offrent au total un écart possible de 30% (sans compter les dévaluations) ? Selon le président de l’Institut Monétaire européen, ces marges de fluctuations seront "relativement larges", sans doute aussi larges que celles de l’actuel SME fantomatique. La vraie différence porte sur deux points, qui sont essentiels :

  • dans l’actuel (et précédent) SME, les monnaies se définissent les unes par rapport aux autres (c’est un panier de monnaies référentielles) ; le prochain SME sera soumis à l’Euro, la monnaie dominante (donc à l’Allemagne et à ses alliés).
  • par contre, en cas de crise monétaire, le soutien de l’Euro aux monnaies en faillite ne sera pas automatique : la soumission, mais sans engagement réciproque. La Tribune Desfossés du 16 avril 96 explique cela avec une joyeuse brutalité, dans un article titré "La Bundesbank remet l’Europe monétaire sur les rails".
Bien évidemment, rien n’indique que le dispositif se mettre effectivement en place. Une autre possibilité est que le dispositif devienne réalité et vole en éclats aussitôt après. Mine de rien, les dirigeants allemands ont prévu l’hypothèse et entendent pouvoir sauver "leur" monnaie si la monnaie commune sombrait : le dispositif d’impression de la monnaie "commune" prévoirait (cela reste à confirmer) une marque nationale nettement visible.

Ainsi, plus le dispositif d’Union avance, et plus il apparaît qu’il tourne le dos à toute Union, impossible au demeurant dans le cadre du capitalisme. C’est en fonction des développements de la crise économique, financière et monétaire, un dispositif sans cesse renégocié sur la base des seuls rapports de forces et qui vise à asservir les pays les plus faibles aux impérialismes dominants, l’Allemagne en tout premier lieu, sans que jamais ne cesse la concurrence la plus féroce entre les différentes bourgeoisies protégées par leur état respectif. Dans ce cadre conflictuel, les différenciations économiques tendent à s’accroître, ainsi que le reflète l’évolution des différentes monnaies au cours des dernières années l’écart se creusant de 25 à 30% en 4 ans entre les monnaies "fortes" et les monnaies européennes les plus faibles.

UNE OFFENSIVE TOUT AZIMUT CONTRE LA CLASSE OUVRIÈRE

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Tout capitalisme en crise est conduit à redoubler ses attaques contre sa propre classe ouvrière. Dans le cadre de l’Union européenne et de la compétition brutale que s’y livrent les impérialismes européens, l’ampleur de ces attaques est démultipliée (la compétition à l’échelle mondiale pèse également fortement). Chaque jour, ce sont de nouvelles mesures qui sont annoncées, partout les mêmes : à la baisse du pouvoir d’achat et aux licenciements s’ajoutent désormais, dans toute l’Europe, la destruction d’acquis antérieurs : liquidation de la protection sociale et des retraites, multiplication des statuts précaires, flexibilité et annualisation du temps de travail, liquidation du statut des fonctionnaires et des fonctionnaires eux-mêmes quand ils ne relèvent pas strictement de l’appareil d’État, liquidation de la protection juridique des travailleurs et des indemnités de chômage, liquidation des systèmes scolaires largement ouverts jusqu’alors...

Dans cette offensive, les bourgeoisies et gouvernements ont l’appui des dirigeants des syndicats ainsi que des partis sociaux démocrates, staliniens et issus de l’appareil stalinien international.

POUR LES ÉTATS UNIS SOCIALISTES D’EUROPE

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À l’Union européenne comme à tous les traités et accords mis en œuvre en Europe par les divers impérialismes, les révolutionnaires opposent la lutte pour la révolution prolétarienne, le gouvernement ouvrier, le pouvoir ouvrier, l’expropriation des capitalistes, l’organisation de la production selon un plan élaboré et réalisé sous contrôle ouvrier répondant aux immenses besoins des masses, la constitution des États Unis Socialistes d’Europe.
  • Cette perspective vaut également pour les États de l’Est de l’Europe et pour ceux des Balkans.
  • Parce qu’il n’y a pas de "capitalisme européen" unifié, intégré, mais des capitalismes nationaux qui défendent chacun leurs intérêts spécifiques, le combat de chaque prolétariat des pays membres de la CEE doit être dirigé contre le gouvernement et l’État bourgeois qui le domine, contre le capital, la bourgeoisie de son propre pays.
Ne pas situer ce combat sur cet axe reviendrait à protéger cet État. Cela ne signifie pas l’isolement de chaque grand combat de classes. Tout combat d’un des grands prolétariats européens débouchant sur une situation révolutionnaire enclenchera vraisemblablement une puissante vague révolutionnaire dans l’ensemble des États bourgeois d’Europe.

SOUS LE FEU DE L’OFFENSIVE AMÉRICAINE

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L’offensive américaine, en particulier contre les divers impérialismes européens et l’Union européenne, ne se relâche pas. Elle est conduite par la bande, en cherchant à casser les reins à ceux des pays dominés qui s’appuyaient - ou tenteraient de s’appuyer - sur un ou des pays impérialistes européens pour échapper à la volonté d’hégémonie des États-Unis : sont visés en premier lieu l’Irak, l’Iran, la Libye, Cuba. La manœuvre consiste à obliger les autres impérialismes européens à participer, à s’associer à cette offensive: le schéma est celui de la guerre contre l’Irak.

Contre l’Irak, la politique d’étranglement se poursuit : Saddam Hussein a été laissé en place pour écraser les masses ; et le pays, sa population, sont soumis à un embargo impitoyable. En janvier puis en juin 93, de nouveaux raids aériens ont été conduits contre l’Irak. Le 20 mai 1996, un aménagement de l’embargo décrété en 1990 a été décidé : "pétrole contre nourriture". Ce n’était qu’un simple aménagement, chaque "contrat" étant soumis à un accord préalable, mais déjà l’impérialisme français se réjouissait : les représentants des industriels français s’affairaient à Bagdad quand le 1er juillet, le gouvernement américain mettait son veto de fait à l’accord du 20 mai ; le conflit entre l’impérialisme américain et l’impérialisme français (qui s’accroche à ses positions) n’est pas terminé mais l’objectif des USA est clair : être reconnu par tous les gouvernements du Moyen-Orient comme le seul maître, briser ceux qui refusent de s’assujettir, conserver la haute main sur les immenses ressources pétrolières de la région, ne laisser aux autre impérialismes que des miettes, aux conditions des américains. Or l’Irak dispose d’immenses richesses pétrolières qui fascinent l’impérialisme français (entre autres) ; il possède les secondes réserves mondiales dont la bourgeoisie française attend beaucoup, et d’abord le paiement de l’énorme dette que le gouvernement irakien lui doit.

La loi Helms-Burton est un autre élément du dispositif américain. Signée le 12 mars 96 par Clinton, elle vise à renforcer l’embargo contre Cuba. Elle permet en particulier de refuser tout visa aux dirigeants d’entreprises non-américaines qui utilisent, à Cuba, des actifs anciennement expropriés. De même son article 3 autorise les anciens propriétaires cubains expropriés au moment de la révolution à attaquer en justice les entreprises (non américaines) utilisant leurs anciens biens. Autrement dit : non seulement l’État cubain - État ouvrier bureaucratisé - doit tomber (il est déjà aux abois), non seulement le capitalisme doit être pleinement restauré (cela a déjà commencé) mais il doit tomber dans l’escarcelle de l’impérialisme américain. Cuba fait pour lui, partie de ses chasses gardées. Or, aujourd’hui, 45% du commerce extérieur de Cuba se fait avec l’Union Européenne. La loi Helms-Burton se résume à : "dehors, les puissances européennes !". Ces dernières vont donc protester, font pression pour que Clinton ne signe pas l’article 3 déjà différé, annonce des représailles... Finalement, Bill Clinton reporte de six mois la signature de l’article 3. Ce n’est pas un recul ; c’est un bâton qui demeure brandi : l’Union Européenne (et le Canada, également visé) doivent accepter de renforcer le blocus contre Cuba, sinon Washington mettra en oeuvre l’article 3. Par ailleurs, depuis le 1er août 96, le reste de la loi s’applique, notamment l’article 4 qui a déjà frappé une société canadienne.

Surtout : le principe d’extraterritorialité de la loi Helms-Burton reste inscrit, qui bafoue les règles internationales jusque là codifiées par les différentes bourgeoisies pour ce qui concerne la circulation des biens et des personnes. Les "quinze" européens protestent, mais Clinton n’en a cure. Clinton se prépare à signer la loi suivante : la loi d’Amato. Signée le 5 août, elle vise la Libye et l’Iran. Plus exactement : elle vise les sociétés qui fournissent une technologie ou des équipements pour une valeur égale au moins à 40 millions de dollars à la Libye ou à l’Iran, deux pays accusés de soutenir le terrorisme. Sont particulièrement menacées des compagnies européennes : Elf, Shell, Agip, ainsi que Schlumberger et Technip. Dans les capitales européennes, c’est une levée de boucliers. Léon Brittan, vice président de la commission Européenne, menace : "La cohésion des quinze ne faiblira pas". (Le Figaro du 09/09/96) Mais le même journal rapportant les propos de Nicholas Burns, porte parole du département d’État, montre que la méthode américaine est la même qu’avec la loi précédente : la loi d’Amato, dit Burns, "nous permet d’avoir un degré de flexibilité pour décider ou non d’imposer des sanctions(...) si nous estimons que les pays impliqués prenaient effectivement des mesures efficaces contre l’Iran et la Libye."

Avec cette loi, le gouvernement peut sanctionner qui il veut, quand il veut. L’objectif est aussi, comme pour l’Irak, de limiter strictement les exportations de pétrole, selon les besoin, et en protégeant leurs propres intérêts pétroliers, ceux de l’Arabie Saoudite, du Koweit, etc... L’arme de l’embargo, celle des sanctions sont utilisées pour fixer volumes de production et prix au niveau correspondant à leurs intérêts. Il s’agit de contrôler l’ensemble du marché mondial du pétrole. Autre chose est d’y parvenir. Les autres impérialismes ne peuvent pas ne pas tenter de desserrer l’étau. Quelques jours après la signature de la loi d’Amato et en dépit des pressions américaines, le gouvernement turc signe avec l’Iran un énorme contrat gazier, s’élevant à 20 milliards de dollars sur 22 années, arguant du fait que formellement il ne tombe pas sous le coup de la loi d’Amato, lequel Amato s’indigne. Le Figaro exulte: "un véritable pied de nez des turcs à leur protecteur américain". Le gouvernement américain n’entend pourtant pas en rester là. (D’autant qu’il est possible qu’en sous main un ou des impérialismes européens aient "aidé" la Turquie, laquelle demande avec insistance à intégrer l’Union européenne).

Autre expression de ces rivalités : le 30 juillet, à Paris, s’est tenue une réunion des ministres du G7 consacrée au terrorisme. Le gouvernement américain, là encore, entendait faire avaliser sa politique. Du côté français, ce fut une fin de non recevoir : chaque pays, selon son ministre, doit conserver une marge de manœuvre dans ses choix en matière de " lutte anti terroriste". Ces quelques récents épisodes préfigurent des oppositions entre impérialismes d’une toute autre ampleur. En outre, ces oppositions se doublent de conflits entre pays impérialistes et pays semi-coloniaux dont certains disposent d’une réelle marge de manœuvre : on a vu l’exemple de la Turquie, le cas particulier d’Israël... mais il y en a nombre d’autres.

Les récentes négociations sur la non-prolifération des armes nucléaires ont illustré l’ impossibilité pour les impérialismes dominants, notamment les USA et la France, de se réserver le monopole de ce type d’armes : celles-ci sont non seulement possédées par Israël (les USA avaient laissé faire, ceci n’étant pas "officiel") mais par d’autres États qui refusent la discipline que veulent leur imposer les États-Unis avec l’appui du gouvernement français : l’Inde et le Pakistan en tout premier lieu.

Le gouvernement américain ne peut vraiment "discipliner" ces États que s’il a le soutien sans faille des autres impérialismes : c’est loin d’être le cas. La coopération entre impérialismes est de plus en plus conflictuelle.

L’impérialisme français, par exemple, devenu impérialisme de troisième rang, expulsé de nombre de ses positions (Irak, Liban, Serbie...) s’accroche comme un beau diable, non par souci de sa "gloire" passée mais parce qu’il y va de la place et de l’avenir du capitalisme français. Au printemps 96, le voyage de Chirac au Proche-Orient, puis de son ministre Hervé de Charette, les prises de positions du gouvernement français... se présentant comme soucieux des intérêts palestiniens, ré-activant une politique "arabe" héritée du gaullisme (que Mitterrand avait délaissée au profit d’une politique des "États arabes"), avaient constitué pour le gouvernement syrien un point d’appui pour refuser l’accord sur le Golan que les gouvernements américain et israélien veulent faire accepter. Autre zone de conflit entre les impérialismes français et américains : le Rwanda et le Burundi, par centaines de milliers de morts tutsis et hutus interposés.

On peut multiplier les exemples. Le fait que nul impérialisme ne puisse aujourd’hui envisager une confrontation armée avec les États Unis ne les empêche pas d’entretenir des conflits qualifiés de "secondaires", d’utiliser comme chair à canon les armées de peuples dominés : l’impérialisme n’a pas cessé d’être le principal facteur de guerre. On peut dès lors ramener à leur juste place les pseudo "institutions-internationales" et leur soi-disant pouvoir : l’ONU demeure une "caverne de brigands" dominée par l’impérialisme américain, l’OMC de création récente en est une autre.

L’OMC, AUTRE CAVERNE DE BRIGANDS

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Crée en janvier 1995, l’Organisation Mondiale du Commerce a succédé au GATT. L’OMC n’a de pouvoir que ce que veut bien lui reconnaître chaque État ; ses règles reconnaissent aux pays membres la possibilité de décider des mesures restrictives commerciales quand "la défense des intérêts nationaux l’exige". Dans les faits, l’OMC est bien un lieu de marchandage où les plus forts imposent leur loi.

En février 1996, Le Figaro s’exclamait à son sujet : "l’année de vérité ! 1996 sera déterminante pour l’Organisation mondiale du commerce", et d’évoquer les deux premiers grands dossiers à régler : celui des télécommunications, dont le marché est estimé à plus de 500 milliards de dollars ("ce marché astronomique donne la mesure des appétits des grands opérateurs et équipementiers"), et celui des transports maritimes. Autre dossier: celui des services (ces deux dossiers s’ajoutant à celui des services financiers). Quatre mois plus tard, tout était réglé, et l’OMC avait fait preuve de ses "pouvoirs"... Le Figaro titrait alors :

"Transport maritime : naufrage d’une négociation. Échec pour l’Organisation mondiale du commerce. L’accord international sur le transport maritime ne verra probablement pas le jour avant la fin du siècle. Les américains l’ont torpillé". L’article indiquait : "Troisième échec depuis sa création par l’ OMC, les négociations sur le transport maritime tournent à la confusion. Tous les efforts menés par l’Union européenne, le Japon et bien d’autres pays se sont heurtés à un véritable mur américain. (...) après les services financiers et les télécommunications les pourparlers sur les transports maritimes ont tourné court." Le journaliste précisait également (peut-être à l’intention de ceux qui voient l’État se dissoudre dans l’océan du capital "mondialisé"...) que c’était à la demande expresse du capital américain que le représentant (américain) de l’État (américain) avait imposé sa volonté : "les milieux maritimes américains s’étant prononcés clairement contre toute évolution susceptible d’accroître la concurrence, l’administration s’est contentée de disqualifier les propositions sur la table, renonçant à soumettre la moindre offre de libéralisation." Autre souci pour l’OMC: la tendance de plus en plus marquée à la mise en œuvre "d’accords régionaux", lesquels ne vont pas dans le sens de l’ouverture, de l’unification du marché mondial mais dans le sens de sa segmentation, chaque impérialisme essayant de se constituer des chasses plus ou moins gardées, de verrouiller des marchés: sorte de colonialisme indirect par bourgeoisie compradores interposées... La politique américaine en Amérique Latine en est l’illustration. Preuve par l’inverse, les déboires de l’APEC montrent que ces "accords régionaux" sont inviables dés lors que s’y affrontent deux grands impérialismes.

L’APEC, instance de "coopération économique Asie-Pacifique" représente dix-huit Etats, 40% de la population mondiale, 56% de la richesse mondiale". Mais les divergences fondamentales d’intérêts, en particulier entre USA et Japon l’un et l’autre membres de l’APEC, paralysent cette instance. Selon Le Monde du 17 novembre 1995 rendant compte du sommet de l’APEC à Osaka, c’est "l’enlisement" et "la paralysie". Le protectionnisme japonais à l’égard de son agriculture a conduit à l’affrontement entre les "alliés" du Japon sur cette question (Chine, Corée du sud, Taïwan, Philippines, Malaisie) et ceux des Etats Unis (Australie, Canada, Nouvelle Zélande, Thaïlande...). Un "compromis" masquant les désaccords sera finalement trouvé mais "cette controverse n’en aura pas moins révélé de graves divergences sur la mission de l’APEC. Les japonais et la plupart des asiatiques n’y voient qu’un forum de consultations, les américains veulent en faire une enceinte de négociations commerciales. Là où Tokyo suggère une coopération, Washington entend forcer la marche de la libéralisation : à ses yeux l’APEC n’a jamais été qu’un instrument d’ouverture des marchés asiatiques en "expansion".

Font obstacle à cette volonté américaine "la pression des forces protectionnistes internes" de nombre d’Etats asiatiques, et les intérêts japonais. Ainsi le premier ministre malaisien avait allumé un contre-feu en proposant la création de l’EAEC (East Asian Economic Caucus) excluant donc les USA et ses principaux alliés. De toute évidence, ce premier ministre se souvient que l’APEC a été initiée par les USA pour faire pièce à l’ASEAN...

Certes, depuis une dizaine d’année, l’ouverture du marché mondial s’est nettement accrue, la libre circulation des capitaux est réelle, la division mondiale du travail s’est renforcée, mais nous sommes toujours à l’époque de l’impérialisme, non dans une nouvelle époque : l’organisation du marché mondial est toujours caractérisée par la domination de quelques grands impérialismes sur le reste de la planète, la rivalité, la confrontation entre ces impérialismes eux-mêmes, et par le rôle plus important que jamais des différents États.

Les quelques éléments suivants l’attestent: Entre 1985 et 1994, le rapport entre le développement du commerce mondial et la croissance du PIB a progressé trois fois plus vite qu’au cours de la décennie précédente. Parallèlement, les investissements étrangers directs ont vu leur part doubler dans le PIB total. Mais selon les termes d’un récent rapport d’une agence de l’ONU, la "croissance" depuis 1980 se fait selon une "polarisation accrue du monde", en termes économiques : 15 pays, surtout asiatiques, ont connu une "croissance exceptionnelle" mais à l’inverse 90 pays, la majorité de la planète, ont vu leur situation empirer. En outre, pour l’essentiel, la "croissance" rapide de cette quinzaine de pays se fait sous le contrôle et au profit des grands impérialismes dont les monopoles y délocalisent et sous-traitent une part de leur production.

Quant aux exportations des pays dominés, elles sont soigneusement encadrées et limitées selon les exigences des divers impérialismes : mesures anti-dumping, protection de l’agriculture, accords multifibre (AMF)... On considère ainsi que les contingents découlant de l’AMF équivalent à une taxe à l’exportation allant de 16% à 48%, qui s’ajoutent aux droits de douane sur ces produits qui sont parmi les plus élevés sur les biens manufacturés. D’une manière générale, ces derniers sont soumis à des taxes au moins double que celles qui frappent les matières premières à destination des grands centres industriels impérialistes. Telle est la réalité du marché mondial à l’époque de l’impérialisme, alors même que se développent les contradictions qui le disloqueront.
 

 

 


LA LUTTE DES CLASSES MOTEUR DE L’HISTOIRE

NULLE PART LE PROLÉTARIAT N’EST ECRASÉ

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L’effondrement de l’ex-URSS provoque des ravages dans la conscience de la classe ouvrière mondiale.

Les partis social-démocrates et ex-staliniens (avec l’appui des groupes gauchistes dégénérés), s’appuyant sur cette situation, organisent le désarmement politique et théorique de la classe ouvrière, cherchent à ce que la désorientation actuelle de la classe ouvrière, de la jeunesse, soit la plus totale possible.

On est obligé de constater que le prolétariat n’a pas actuellement l’activité révolutionnaire qu’il eut au cours des années 70 et 80, l’impérialisme a repris l’initiative.

D’ores et déjà la progression de la restauration capitaliste dans les pays de l’ex-URSS et de la partie Est de l’Europe sonne durement le prolétariat mondial et le marque. Arguer en contrepartie qu’il s’est accru en nombre ne signifie pas grand chose quant à la perspective de la révolution prolétarienne, d’autant qu’au cours de ces vingt dernières années, dans les pays capitalistes dominants, le nombre de travailleurs productifs s’est réduit de façon importante. S’il s’agissait du nombre de prolétaires, il y a longtemps que le prolétariat aurait pris le pouvoir dans les pays capitalistes dominants. La véritable question est celle de la direction révolutionnaire. Plus que jamais, ainsi que l’écrit le programme de transition :

"Tout dépend du prolétariat, c’est à dire au premier chef de son avant-garde révolutionnaire. La crise de l’humanité se réduit à la crise de la Direction révolutionnaire." Mais quels que soient les coups qu’il a subis, nulle part le prolétariat n’a été écrasé. Dans les pays de l’ex-URSS et de la partie Est de l’Europe, le prolétariat a acquis des droits, la possibilité de s’organiser. La réunification des prolétariats allemands, celle du prolétariat européen, sont des acquis pour eux, même si jusqu’à présent ils n’ont pas été en mesure de les utiliser vraiment.

Dans l’immédiat, l’extrême degré de putréfaction atteint par le capitalisme, la société bourgeoise, la situation de crise récurrente qui est la sienne (avec des oscillations), le risque d’une crise disloquante, contraignent les différentes bourgeoisies à mener des attaques frontales contre leur prolétariat. Nécessairement, aussi handicapés politiquement qu’ils soient, ces prolétariats s’efforceront d’engager de puissants combats qui poseront y compris la question du pouvoir et dans des conditions nouvelles, la question de la construction de Partis Ouvriers Révolutionnaires et d’une Internationale Ouvrière Révolutionnaire.

Mais la question du programme, celle des rythmes et des délais, pour la construction d’une telle organisation seront déterminantes. Aussi petit soit-il, le Comité a un rôle fondamental à jouer car le mouvement spontané ne peut créer un parti révolutionnaire équipé de pied en cap d’un programme concentrant les acquis du mouvement ouvrier : la lutte des classes demeure le moteur de l’Histoire ; mais à l’époque des guerres et des révolutions, la question du parti est la question centrale à résoudre.

DE NOUVEAU SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE : QUELQUES DONNÉES RÉCENTES

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La presse publie quotidiennement une masse de chiffres dont beaucoup -- journaliers ou mensuels, souvent rectifiés après coup -- se télescopent avec des projections vite démenties par les faits. L’attention portée aux résultats immédiats est d’autant plus forte que sont grandes les craintes d’un "crash" boursier ou monétaire. Du coup, certains aspects essentiels sont gommés.

La reprise ? Sa caractéristique première est d’être fragile et fragmentée :

  • aux USA : la crise des années 90-92 a été suivie d’une nette reprise en 93-94. Pour l’année 95, les données corrigées six mois après montrent un reflux de cette reprise à +2 %.
Pour 1996, les augures de l’OCDE et du F.M.I. prévoyaient +1,8% ou +2% de hausse du PIB. Mais le premier semestre 96 voyait cette reprise rebondir, et les estimations pour 1996 remontent à +3 %. D’ores et déjà de juillet 95 à juillet 96, la production industrielle a crû de +3,8 %.
  • au Japon : la situation est déjà différente. En dépit de plusieurs lourds "plans de relance", le PIB de 1995 a stagné (+0,9 %). Le premier semestre 1996 montrait une légère progression, mais fort chaotique : d’un mois sur l’autre, la production industrielle alterne entre nette reprise et chute brutale, parfois exceptionnelle (mars et juin 96).
  • en Europe : globalement la situation est encore plus difficile et très différente d’un pays à l’autre. Son pivot, l’Allemagne, touché par la récession de 1992-94, avait vu sa situation se redresser. Ce fut bref : une chute brutale fin 1995 ramena la hausse du PIB annuel à 1,9 %. Au premier semestre 96, les taux toujours négatifs officialisaient la "récession". Une légère reprise au début de l’été 1996 permettait aux "experts" d’avancer pour l’ensemble de l’année +0,5%, voire +1 %. Le même pronostic de +1% est formulé pour la France en 1996, après une hausse du PIB en 1995 de +2,4 %. Idem le Danemark (+0,5% prévu pour 1996).
Mais pour d’autres pays, le reflux est limité : en Italie, le PIB de 1995 (3,2%) reculerait à +2% en 1996, et en Grande-Bretagne de 2,4% à 2%. Jouent de manière considérable, et différente, dans cette situation, trois facteurs principaux :
  • la baisse de la valeur de la force de travail imposée à la classe ouvrière (plus brutale aux USA et en Grande-Bretagne qu’en Allemagne) ;
  • la charge de la dette, la nécessité d’en poursuivre le financement et les tentatives de réduire les déficits de l’État ;
  • la fluctuation des monnaies entre elles : pour l’Italie et la Grande-Bretagne, la baisse de leurs monnaies respectives a fourni une aide réelle, au moins provisoirement, aux exportations.
Aux USA, outre les coups portés au prolétariat, ont joué : la liquidation du capital obsolète, la dévalorisation d’une partie du capital productif, à quoi il faut ajouter une sorte de dumping sur le marché mondial qu’a constitué la dévalorisation du dollar et qui a joué particulièrement à l’encontre des exportations japonaises et allemandes.

Concernant les pays subordonnés à l’impérialisme, les écarts sont souvent extrêmement forts. D’un côté quelques pays à croissance importante (Chili, Sud-Est asiatique ). Les raisons en sont simples : une exploitation forcenée de la classe ouvrière, une répression impitoyable du mouvement ouvrier, de ses militants et --sur cette base-- une insertion dans la division mondiale du travail comme sous-traitant (entreprises souvent délocalisées) ou fournisseurs de quelques produits aux pays dominants. Le Chili, avec un PIB en hausse de +8% sur plusieurs années, s’est ainsi spécialisé dans l’exportation de fruits et légumes, à contre-saison, vers les USA. En même temps, 27% des Chiliens vivent au-dessous du seuil officiel de pauvreté, un système de fonds de pension a été imposé à la classe ouvrière au début des années 80 (sa "valeur", fictive, est estimée aujourd’hui à 23 milliards de dollars, la moitié du PIB) ; et Pinochet est toujours le chef de l’armée de terre.

De l’autre côté, des pays en crise ouverte, en particulier en Afrique et en Amérique latine : le PIB du Mexique a chuté de 6,9% en 1995, celui de l’Argentine de 4,5% officiellement.

MAINTIEN DES GRANDS DÉSÉQUILIBRES

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La reprise aux USA s’est faite sans que soit résolue la question des grands déséquilibres : déficit budgétaire, déficit commercial, déficit de la balance des paiements Bien au contraire : après un déficit commercial en 1995 de 110 milliards de dollars, le plus mauvais résultat depuis 8 ans, ce déficit ne s’est guère modifié au premier semestre 1996 : 52,6 milliards de dollars imputables pour un tiers au Japon et un tiers à la Chine. Les États-Unis continuent à vivre à crédit.

Symétriquement, le Japon maintient ses excédents commerciaux : après s’être envolés de 1984 à 1994 (de 44 à 144 milliards de dollars), ils redescendraient à "seulement" 100 milliards de dollars en 1996. Mais ces chiffres varient selon qu’ils sont calculés en dollars ou en yens. La récente remontée du yen modifie encore ces données : de la mi-95 à l’été 96, l’excédent commercial serait en baisse relativement mais en hausse absolument : +35% pour les importations et +18% pour les exportations.

En Allemagne, le solde commercial est demeuré bénéficiaire en 1995 (300 milliards de francs) et au début de 1996, la compétitivité des produits allemands s’étant améliorée avec la hausse relative du dollar (+10% de mai 95 à mai 96).

Ces déséquilibres nourrissent toujours un peu plus la spéculation sur les monnaies, fragilisent le dollar et contraignent la F.E.D. à remonter ses taux d’intérêts.

Mais l’État US n’est pas le seul endetté : au Japon, la dette publique à long terme est supérieure à 15 600 milliards de francs, soit les deux-tiers du PIB. Son volume a cru brutalement en 3 ans, les cinq principaux plans de relance représentant à eux seuls 3 000 milliards de francs. S’y ajoutent le déficit des collectivités locales, égal à lui seul à 3,4% du PIB, et les coûts prévus pour le sauvetage des établissements menacés par les créances douteuses.

Officiellement est attendu un nouveau krach "mexicain", au Mexique ou ailleurs.

Au Brésil ? L’hyper-inflation a été jugulée mais le déséquilibre de la balance courante a atteint 17,8 milliards de dollars en 1995. Le déficit budgétaire équivaut à 5% du PIB.

En Argentine ? La dette s’est accrue, atteignant 83 milliards de dollars. Cela ne représente "que" 30% du PIB, mais l’excédent actuel du commerce ne couvre que 8% de la charge annuelle de la dette (10 milliards de dollars l’an, intérêt et capital).

Au Mexique ? La situation est catastrophique. Les coups terribles porté aux masses n’ont rien réglé. En 1995, du fait de la crise économique, les revenus fiscaux ont diminué de 20% tandis que le coût de l’endettement public a augmenté de 90% du fait de la hausse des taux d’intérêts et de la dévaluation du peso. Cela implique de puiser dans les dépenses courantes, de porter de nouveaux coups

aux masses. Une explosion sociale peut y éclater à tout moment.

UN HIMALAYA DE DETTES

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A l’échelle mondiale, le marché obligataire total - qui pour les 7/8 mesure la dette à long terme des États - a cru de manière vertigineuse : en 1970, il était de 780 milliards de dollars dont 485 pour le marché américain ; en 1994 il atteignait 18 500 milliards de dollars dont 8 000 pour les titres américains. Non seulement les emprunts d’État monopolisent le marché obligataire, ce qui n’était pas le cas dans les années 60, mais ils occupent une place plus importante que le marché des actions : fin 1994, le total des actions cotées à New-York était comptabilisé pour 5100 milliards de dollars tandis que les obligations - autre capital fictif - émises au titre de la dette publique seule, étaient évaluées à 6870 milliards de dollars (3470 pour les titres du Trésor, 2200 pour les agences fédérales et 1200 pour les municipalités). Même en ajoutant aux 5100 milliards d’actions les 1250 milliards d’obligations non étatiques émises par les entreprises (la dette "corporate"), on arrive à 6350 milliards, total inférieur à celui de la dette publique.

Certes, tout cela n’est que capital fictif mais sa destruction brutale peut, à tout moment, provoquer un séisme économique, social et politique qui, lui, n’aura rien de fictif. Paul Fabra, zélé défenseur du capitalisme, observait il y a peu :

"Le marché obligataire est presque entièrement accaparé par l’État et les établissements qui gravitent autour de lui. Sur un des phénomènes les plus marquants du dernier quart de siècle, règne un demi-silence. C’est qu’il contredit toute une mythologie sur le triomphe du capitalisme et de l’économie de marché. Tout simplement, on oublie de dire que le cur du cur du système, le marché financier, est au service quasi exclusif de l’État" ("Les Échos" du 12/4/96). Paul Fabra oublie de préciser qu’en retour ces dettes nourrissent un énorme capital rentier mais il met le doigt, avec inquiétude, sur une question aujourd’hui décisive. Cet énorme endettement des États, les déséquilibres évoqués, constituent une base objective sur laquelle joue la spéculation. Les bas taux d’intérêt (à court terme) pratiqués durant les années 90 ont multiplié les possibilités de spéculation.

SPÉCULATION ET IVROGNERIE

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"Le bon marché du capital incite à la spéculation, tout comme le bon marché de la viande et de la bière incite à la voracité et à l’ivrognerie". Cette formule de J.W. Gilbart, reprise par Marx ("Le Capital" III, 2 page 70) est plus que jamais actuelle. Une immense bulle spéculative s’est constituée, en particulier à New-York, recourant massivement aux taux à court terme pour se développer. En moyenne, de 1990 à 1995, les taux à court terme aux États Unis ont été de 1,66% (en terme réel) tandis qu’ils étaient en moyenne de 4,82% hors inflation entre 1980 et 1989.

Mais depuis 1994, la F.E.D. a du peu à peu réviser ses taux d’intérêt, d’autant qu’une grande part de la dette américaine est gagée à court et moyen terme. En terme réel, le taux à court terme était de 2,25% en juillet 96. D’autres hausses sont attendues, et redoutées.

La bulle spéculative peut exploser à tout moment. Depuis le début de l’année 1996 c’est une profonde instabilité qui ébranle marchés boursiers et parités des monnaies.

L’instabilité est telle que la simple publication mensuelle de quelques indices sur l’emploi et la production provoque une secousse.

  • le 5 février 96 la secousse est accompagnée d’une brutale hausse des taux d’intérêt simultanément à une baisse du dollar. Les Bourses de Paris et Francfort chutent également.
  • le 8 mars, nouvelle secousse : l’indice Dow Jones plonge de 3 %.
  • le 8 avril, nouvelle chute de 1,5% et nouvelle hausse des taux longs.
  • le 2 mai, quatrième secousse, baisse de l’indice boursier et hausse des taux obligataires à 30 ans.
Néanmoins, entre deux secousses, le niveau des taux, des indices, des monnaies tend à se rétablir.
  • en juin, l’instabilité s’accentue ; les taux d’intérêt à long terme atteignent 7,19% à New-York, un record depuis 13 mois ; les investisseurs étrangers poursuivent leur retrait du marché obligataire français : 102 milliards de francs d’obligations françaises ont été vendus par ces derniers durant le seul premier trimestre ; du 12 au 14 juin, le dollar perd 15% par rapport au mark ; le cours du cuivre s’effondre, perdant 30% en quatre semaines. La causse immédiate en est la perte record du groupe japonais Sumitomo (au moins 1,8 milliards de dollars) due à des transactions aventureuses, mais la base en est la surproduction qui touche nombre d’autres matières premières (le nickel a perdu 15% en deux mois).
  • juillet 1996 marque une aggravation de la situation. Ce n’est plus d’une simple secousse mensuelle vite effacée dont il s’agit. Le lundi 15 juillet, pour la troisième fois en dix jours, la Bourse de New York plonge, avec une baisse de 2,9 %. Depuis fin juin, le recul dépasse 6 %. Après dix-huit mois de spéculation effrénée (+55% entre décembre 1994 et juin 1996), c’est un vrai repli. Ce repli est chiffré à 15,7% en six semaines par l’indice Nasdaq. Nombre de capitaux spéculatifs désertent alors la place de New-York à la recherche d’une zone plus sûre et, convertissant leurs dollars en devises, contribuent à faire baisser la monnaie américaine.
Il apparaissait que la bulle spéculative américaine commençait à se dégonfler et que la F.E.D. tentait "d’organiser le repli", de gagner du temps pour éviter une explosion catastrophique, dirigeant par exemple des achats massifs sur les contrats à terme sur actions pour ralentir la chute. Si nul ne peut dire comment cette situation va se développer, à quel rythme, la presse spécialisée était déjà particulièrement inquiète : "Jusqu’à présent, la purge du Dow Jones a été contenue Mais les rendements obligataires restent trois fois supérieurs à celui des actions, ce qui historiquement n’a jamais été durable. Si le CS First Boston affirme que "le pire est derrière nous", les semaines à venir s’annoncent donc très délicates. La F.E.D. va-t-elle remonter ses taux le 20 août, comme l’anticipent les marchés ? Coincé entre des ménages très endettés et des opérateurs inquiets sur l’inflation, Greenspan (le patron de la F.E.D.) devra faire preuve de tout son art pour gérer en douceur la suite du dégonflement de la bulle spéculative . ("Le Figaro" du 28/8/96) Or, les possibilités de contenir la crise sont nécessairement limitées. La presse bourgeoise redoutait une nouvelle secousse pour le mois de septembre. Mais en septembre et octobre, la F.E.D. a décidé de ne rien changer aux taux à court terme. Cela a fait de nouveau exploser la spéculation, notamment à la Bourse de New-York, à des niveaux historiquement jamais vus. Par ailleurs s’est précisée, depuis quelques mois, une tendance à la déflation : sans que l’on puisse aujourd’hui indiquer si cette nouvelle menace se concrétisera, et dans quelle mesure, il y a là l’expression du degré exceptionnel atteint par les contradictions du système capitaliste (une déflation réelle rendrait définitivement non remboursables les dette accumulées mais une reprise de l’inflation peut brutalement mettre à bas le château de cartes du système financier et monétaire international). Tout au plus la bourgeoisie peut-elle gagner du temps, et mettre ce temps à profit pour porter les coups les plus durs à la classe ouvrière.

UNE OFFENSIVE GÉNÉRALISÉE

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Le capitalisme est au bord du gouffre ; les cercles dirigeants de la bourgeoisie, les différents gouvernements en ont une conscience aigué. Aussi doivent-ils passer à une étape supérieure dans leur offensive contre la classe ouvrière, en particulier contre les différents prolétariats d’Europe.

En pratique, cette offensive a déjà commencé ; il suffit de voir comment et à quel rythme, en France, a été entreprise la destruction de la Sécurité Sociale et comment --quelques mois à peine après le puissant mouvement de novembre-décembre 95 et alors même que tous les textes organisant la destruction de la Sécurité Sociale ne sont pas encore mis en uvre-- le gouvernement entreprend une offensive majeure contre les travailleurs de la fonction publique (salaires, statuts et acquis, conditions de travail, effectifs) ; de plus, cette offensive-là se combine avec la mise en route d’une autre attaque majeure contre tout le prolétariat : la liquidation de la définition du temps de travail sur une base hebdomadaire (et quotidienne).

D’ores et déjà, par la loi et avec l’appui des appareils syndicaux, se développent les variations d’amplitude quotidiennes, hebdomadaires, le travail de nuit, de samedi et de dimanche, de jours fériés, vers l’annualisation et au-delà, vers la flexibilité totale (ce qui intègre la suppression de toutes les primes et abattements antérieurement accordés, la réduction puis la disparition de la notion "d’heures supplémentaires") : l’accord de la métallurgie en est une préface. De même l’accord signé par quelques bureaucrates syndicaux IBM France, banalisant le travail de nuit, du dimanche et des jours fériés à l’usine de Corbeil (juillet 96).

Cette offensive de la bourgeoisie française bénéficie de l’appui des appareils syndicaux, du PS et du PCF : ils soutiennent cette politique, ils soutiennent le gouvernement parce qu’ils défendent le capitalisme.

Pour la bourgeoisie, quel que soit le pays, l’objectif est la subordination complète du travail au capital, à la libre circulation et à la mobilité de celui-ci, aux exigences du profit sous toutes ces formes. La flexibilité doit être absolue, sans entraves réglementaires ou législatives ni surcoût. Pour cet objectif, l’existence d’un fort volant de chômage est une nécessité pour le capital, et donc une exigence : il faut peser sur la valeur de la force de travail, la rendre malléable, disponible à merci. L’objectif de la "réduction des déficits" (donc des dépenses sociales) est devenu un leitmotiv dans tous les pays. Le modèle, c’est la politique de Thatcher, de Reagan et maintenant de Clinton.

OFFENSIVE AUX ÉTATS UNIS

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Des coups sévères ont déjà été portés au prolétariat américain ; la défaite des contrôleurs aériens, licenciés en bloc par l’administration Reagan déjà 1981, a constitué un tournant dans la lutte des classes aux USA. Depuis, licenciements massifs, dégradation du système de santé et hausse de son coût, remise en cause d’acquis ont été la règle. La reprise actuelle ne ralentit pas l’offensive ; en effet, la bourgeoisie redoute ouvertement qu’avec la reprise qui s’est manifestée, avec la création de plusieurs millions d’emplois --même s’il s’agit pour une grande part "d’emplois fast food" et plus souvent encore d’emplois mal payés-- la classe ouvrière soit en mesure de reprendre le combat pour de moins mauvais salaires. Sous la pression de la majorité républicaine du Congrès, Clinton vient donc de donner son accord un texte démantelant le système dit du "Welfare state", dont le principe remonte à Roosevelt (Roosevelt ayant dû faire face à de puissants combats du prolétariat), désormais, aucun Américain ne pourra bénéficier, durant toute sa vie, de l’aide sociale plus de cinq ans. Dès la fin de la seconde année, la plupart des adultes devront obligatoirement trouver du travail, faute de quoi les prestations sociales reçues par leur famille seront supprimées. Enfin, après soixante jours d’inscription au "Welfare state", toute personne sans travail devra accepter une tâche d’intérêt public. C’est une remise en cause radicale du système antérieur.

L’objectif est double : diminuer l’ampleur des déficits de l’État, exercer une énorme pression (à la baisse) sur la valeur de la force de travail ; les millions de chômeurs sans ressources seront totalement livrés aux exigences des employeurs et les travaux "d’intérêt public", véritable servage moderne sous couvert "d’aide de l’État", se substitueront au travail normalement salarié.

EUROPE : QUELQUES NOUVEAUX GOUVERNEMENTS, UN MÊME PROGRAMME

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17 décembre 1995 - Autriche : le parti social démocrate progresse de 3,4% et atteint 38,3 %. Une coalition est constituée avec un parti bourgeois, l’ÖVP (parti populaire). Objectif : un plan draconien pour réduire la dette de l’État. Commentaire de Fritz Verzetritsch, président de la Confédération des syndicats autrichiens (ÖGB) : "il était nécessaire de resserrer les boulons".

22 mars 1996 - Suède : Gron Persson, nouveau premier ministre social-démocrate succédant à un autre social-démocrate, présente son gouvernement et son programme : "assainissement" des finances publiques, ramener le déficit budgétaire de 7% en 1996 à 3% en 1997, poursuivre et accentuer la politique du précédent gouvernement.

28 avril 1996 - Espagne : Après deux mois de tractations avec les nationalistes catalans, le nouveau gouvernement de José Marian Aznar présente ses objectifs : strict respect des critères de Maastricht ; lancement d’un "plan d’austérité", d’un "plan stratégique de privatisation" accompagné d’un "dialogue social". Cette offensive s’appuie sur la politique antérieurement conduite par les différents gouvernements Gonzalez (PSŒ). Officiellement, 25% de la population active est au chômage.

18 mai 1996 - Italie : le nouveau gouvernement jure fidélité à la Constitution : pour la première fois depuis 1946, des membres de l’ex-PCI participent au gouvernement italien, le PDS en constituant la colonne vertébrale (9 des 20 ministères). La coalition de l’Olivier menée par le très catholique Romano Prodi se fixe comme objectif la satisfaction des critères de Maastricht déclare Prodi. Or, la dette de l’État équivaut à 125% du PIB.

Sans même parler de satisfaire les critères de Maastricht, le simple fait de s’en rapprocher signifie de nouveaux coups portés à la classe ouvrière : "l’assainissement" des finances publiques est un "objectif incontournable", les privatisations seront relancées "avec détermination", les "sacrifices équitablement distribués", une réforme de l’école entreprise.

Complétant le rôle du PDS au sein du gouvernement, Refondation Communiste soutient de l’extérieur en votant pour la mise en place de ce gouvernement. Le 31 juillet, le gouvernement passait "en force" pour faire adopter un collectif budgétaire, posant la question de confiance. Le groupe Refondation Communiste a donc voté lui aussi pour un collectif de 50 milliards de francs, composé aux deux-tiers de coupes budgétaires et pour un tiers de nouveaux impôts et taxes. Ainsi les deux partis issus de l’appareil stalinien se partagent-ils les rôles pour cadenasser la classe ouvrière.

AUCUNE POSITION ACQUISE N’EST A L’ABRI

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En Suisse, pays qui semblait peu touché par ces offensives (mais où la semaine de travail est l’une des plus longue d’Europe et où l’importante fraction du prolétariat d’origine immigrée est durement surexploitée), c’est une offensive d’une rare brutalité qui s’engage : licenciements, suppressions d’emplois (20 000 sont prévus dans les banques, pour 120 000 employés) et baisse du salaire nominal. C’est le président (social-démocrate) de la SFF (chemins de fer) qui le premier a annoncé le 23 juin 96 qu’il prévoyait de réduire les salaires de 2 à 4%. Le lendemain, le gouvernement cantonal de Zurich annonçait un projet de baisse de salaire des fonctionnaires de 5%. Même projets pour les villes de Lucerne et Saint-Gall. Le chef du patronat s’engouffrait alors dans la brèche en faisant de ces propositions une base des négociations à venir.

Mais c’est en Allemagne que se joue la bataille essentielle compte tenu de la place de la bourgeoisie allemande et de la force de son prolétariat, de ses acquis. Font partie de ces acquis, la mise quasiment au même niveau des salaires de l’Est et de l’Ouest de l’Allemagne, qui s’ajoute à l’acceptation initiale d’un mark pour un deutschmark. Pour les bourgeoisies d’Europe, Kohl joue sur ce plan le rôle d’un chef d’orchestre. Ce que les unes et les autres ont dû (et pu) céder dans le passé doit être repris. Le plan du printemps 96 du chancelier Kohl vise à supprimer dès 1997 l’équivalent de 250 milliards de francs de dépenses publiques, ou encore 2% du PNB. Ces coupes se traduiraient par le gel (nominal) des salaires des fonctionnaires deux années de suite, la réduction des indemnités pour maladie, le moindre remboursement de certains soins et l’élévation de l’âge de la retraite, la diminution des indemnités de chômage, le gel des allocations familiales, les licenciements seraient facilités dans les PME et la cotisation sociale versée par l’employeur réduite.

Le 8 août, Kohl annonçait que la hausse de la TVA était "inévitable" pour la prochaine législature, sans en préciser le niveau : "le rapport entre les impôts directs et indirects est parti la dérive", l’objectif étant de faire passer la part de l’impôt indirect de 40% actuellement à 50% du total ; or la TVA est l’impôt qui frappe le plus durement la classe ouvrière.

OFFENSIVES EN AMÉRIQUE LATINE

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Les États latino-américains sont certainement ceux où le pouvoir d’achat, les conditions de vie de la classe ouvrière, se sont les plus détériorés durant la dernière décennie. Au Mexique, depuis la chute du peso début 1995, la crise économique s’est aggravée : 15 000 entreprises fermées, 800 000 emplois supprimés et 1,7 million chômeurs supplémentaires ; l’inflation a dépassé 50% en 1995, dépassera sans doute 30% en 1996.

Le pouvoir d’achat des plus bas salaires a perdu 40% de sa valeur en un an et demi, 63% en huit ans. La violence de ces attaques ne suffit pas pour autant à sauver de la faillite le Mexique, dont la dette d’État a atteint le niveau historique de 158 milliards de dollars.

Au Venezuela, au Brésil, une inflation analogue a ravagé le pouvoir d’achat de la classe ouvrière.

L’Argentine des années soixante faisait figure, en Amérique latine, de relative exception. A marche forcée, elle est en train de rejoindre le niveau général de l’Amérique latine : 20% de la population active au chômage, un système de santé délabré, un système scolaire en ruines, une baisse générale du pouvoir d’achat, des enseignants impayés des mois durant. Le 12 août 1996, le gouvernement a décidé une forte hausse de l’essence (16%) et du gazole (46%), la hausse des tarifs des transports publics, de la TVA. La récession frappe le pays, le déficit budgétaire pour l’année en cours atteindra 33 milliards de francs venant grossir une dette déjà très lourde.

Tous les acquis, tous les prolétariats sont touchés par cette offensive ; chaque remise en cause d’un acquis par "une" bourgeoisie est aussitôt un point d’appui pour les autres bourgeoisies dans leur offensive politique, en même temps qu’il devient également une contrainte à leur égard : dans les réunions internationales, les experts et officiels américains ne cessent de vanter leur "modèle", la reprise économique aux USA pour contraindre les bourgeoisies européennes à "s’aligner", l’intérêt général du capital l’exige.

Mais le "modèle" américain n’est pas seulement un argument pour les gouvernements bourgeois pour justifier leur offensive ; la baisse de la valeur de la force de travail aux USA a redonné force aux exportations américaines : les capitalistes européens (et japonais) doivent s’engager dans la même voie.

Mais tout dépend de la résistance du prolétariat. Or celui-ci, même s’il est sur la défensive, n’est pas vaincu. Bien au contraire, à chaque instant, s’expriment sa puissance, le fait qu’il est prêt à engager le combat.

LE PROLÉTARIAT EST PRÊT A ENGAGER LE COMBAT

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Dès l’annonce du plan du chancelier Kohl, le prolétariat allemand réunifié a fait la démonstration de sa puissance, a prouvé qu’il était prêt à s’engager dans le combat pour briser l’offensive du gouvernement, c’est-à-dire dans le combat pour chasser le gouvernement Kohl.

Le 15 juin 1996, ce sont 350 000 travailleurs allemands qui ont convergé sur Bonn ; c’est l’une des plus grandes manifestations du prolétariat allemand depuis son écrasement en 1933 ; cette manifestation était organisée à l’appel de la confédération des syndicats allemands et soutenue par le SPD.

Au cours de cette manifestation ont été clairement exprimés par les manifestants des mots d’ordre contre Kohl, des mots d’ordre exprimant la nécessité de le chasser, en dépit du cadre fixé par les dirigeants des appareils respectant, protégeant le gouvernement.

Le 8 août 1996, l’Argentine était paralysée par la grève générale, le mouvement de grève le plus important depuis des années ; cette grève de vingt-quatre heures organisée par les trois centrales syndicales a été massivement suivie.

Manifestation de masse du prolétariat allemand, grève de vingt-quatre heures du prolétariat argentin : quelques mois après le puissant mouvement de novembre-décembre 95 en France, ces deux "moments" du combat du prolétariat expriment un même processus, posent les mêmes problèmes :

  • l’un et l’autre montrent que le prolétariat dans son ensemble est prêt à s’engager dans le combat pour en finir avec la politique de la bourgeoisie, donc avec ses gouvernements ; l’un et l’autre expriment que - plus que jamais- le prolétariat a besoin, et se sert, de ses organisations syndicales pour organiser, centraliser son combat.
  • en même temps apparaissent les limites politiques du prolétariat : contraint à s’engager pour défendre ses acquis (son droit même à l’existence en Argentine), la démonstration de sa puissance reste limitée par la politique des appareils, l’absence de parti révolutionnaire. L’appareil syndical a refusé d’appeler à la grève générale, négocie flexibilité, déréglementation et baisse du pouvoir d’achat. Le parti social-démocrate reprend à son compte nombre des exigences patronales, préparant -s’il le peut - les conditions de sa nouvelle défaite électorale.
  • néanmoins, chacun de ces combats peut être un point d’appui pour des combats d’une toute autre ampleur : chacun de ces prolétariat a pu mesurer sa force. Et c’est cela que redoute la bourgeoisie. Cependant celle-ci poursuit son offensive : ce n’est ni une manifestation centrale ni une grève de 24 heures qui la fera reculer : c’est après la manifestation de Bonn que le chancelier Kohl a réaffirmé son plan et annoncé une hausse à venir de la TVA. C’est après la grève générale de 24 heures que le gouvernement argentin a annoncé un nouveau train de mesures anti-ouvrières. La crise du capitalisme conduit nécessairement aux plus violents affrontements.

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    AUTRES COMBATS

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Au cours des derniers mois, et même si leur puissance est relative, d’importants combats de classe ont eu lieu. Souvent d’ailleurs la presse est très discrète, ou n’informe qu’après coup :
  • En Belgique, huit semaines durant (février-mars 96), les enseignants francophones ont alterné grèves et manifestations contre un plan prévoyant 3 000 suppressions de postes (pour 42 000 enseignants) ;
  • en Serbie, le 10 mai 1996, 20 000 ouvriers en grève ont manifesté pour la troisième journée consécutive au centre de Nis.
De même, dans une situation générale politiquement aussi difficile, la jeunesse, la jeunesse étudiante en particulier, fait la démonstration qu’elle est prête au combat : en Autriche, dès la constitution du nouveau gouvernement "rouge-noir" (sociaux démocrates --SPÖ -- et conservateurs ÖVP), les étudiants ont manifesté par dizaines de milliers et appelé à la grève pour le retrait du plan gouvernemental remettant en cause les prestations sociales étudiantes.

En Australie, l’annonce de sévères coupes budgétaires par le gouvernement bourgeois de John Howard a provoqué aussitôt de violentes manifestations. Les étudiants, touchés tout particulièrement (suppression de bourses, hausse massive des frais d’inscription), se sont retrouvés aux côtés des travailleurs et de leurs organisations. A Camberra, le 19 août, plusieurs milliers de manifestants venus des quatre coins du pays ont défoncé les portes du Parlement et investi les lieux, se heurtant violemment aux forces de l’ordre.

Au demeurant, le combat de la jeunesse ne se réduit pas au combat à partir de revendications matérielles, aussi importantes soient ces dernières. La jeunesse est amenée à se mobiliser aussi directement sur des questions strictement politiques. Ce fut le cas au moment de la guerre d’Algérie, au moment de celle du Vietnam, contre la guerre impérialiste et pour le retrait des troupes d’occupation.

De ce point de vue, il faut attacher une certaine importance au récent combat des étudiants coréens pour la réunification de la Corée et contre la présence militaire américaine.

Le mardi 20 août 1996, l’université Yonsei près de Séoul où s’étaient barricadés depuis huit jours plus de 2 000 étudiants, a été prise d’assaut par 5 000 policiers appuyés par des hélicoptères.

On peut certes considérer que ces étudiants ne sont qu’une fraction seulement de la masse des étudiants, qu’ils sont bien peu "critiques" à l’égard de la bureaucratie nord-coréenne, mais on doit affirmer que l’exigence de la réunification de la Corée est une revendication totalement juste, et que cette question est une question fondamentale pour le prolétariat et la jeunesse de Corée mais aussi du Japon et de la Chine. Ce n’est pas un hasard si, depuis quatre décennies, les impérialismes japonais et américain, les bureaucraties chinoise et russe sont attachés à la division de la Corée : la réunification de la Corée bouleverserait les rapports politiques dans cette région du monde.

En outre, le combat des étudiants coréens s’inscrit dans la continuité du combat révolutionnaire du prolétariat et de la jeunesse coréens ; le rôle des étudiants fut décisif dans la chute de la dictature de Sygman Rhee en 1960 ; ils contribuèrent à la chute du régime de Chun Too-Whan en 1987. Si l’on tient compte du fait que le prolétariat de Corée du Sud est aujourd’hui un prolétariat nombreux, de plus en plus qualifié, fortement concentré, soumis à une exploitation brutale ; si l’on tient compte que le régime bureaucratique de Corée du Nord est dans une impasse totale, que l’économie de Corée du Nord est exsangue, il est alors possible que cette mobilisation étudiante soit le signe précurseur d’une mobilisation révolutionnaire du prolétariat et de la jeunesse de Corée.

De manière plus générale, il faut être attentif au fait que l’industrialisation importante de plusieurs États de l’Asie de l’Est et du Sud-Est a entraîné la constitution d’un prolétariat nombreux, souvent jeune, soumis à des conditions d’exploitation féroces, muselé par des régimes dictatoriaux. Longtemps, pour l’essentiel, il a été réduit au rang de "prolétariat en soi". C’est de moins en moins le cas. Même s’il n’est pas encore apparu dans la plupart de ces pays comme classe indépendante politiquement, son existence et son propre mouvement se manifestent néanmoins.

C’est ainsi qu’en Malaisie, profitant d’une pénurie de main d’uvre, les travailleurs ont pu imposer des augmentations sensibles des salaires, à partir, il est vrai, d’un niveau extrêmement bas : les "coûts salariaux négociés" auraient augmenté de 12% au moins en 1994, de 19,5% en 1995, suffisamment pour que Grundig et divers groupes japonais délocalisent une nouvelle fois vers d’autres pays.

En Indonésie, seuls quelques partis bourgeois sont autorisés à exprimer une "opposition", mais point trop ne faut : c’est ainsi que la direction du PDI, parti bourgeois "démocratique" d’opposition officielle, fut froidement expulsée par la police de la tête de son propre parti au profit d’une direction plus conciliante. Il en résulta, le 27 juillet, de véritables émeutes. Mais en toile de fond il y a le prolétariat qui s’est déjà manifesté par des grèves ; le président d’un syndicat indépendant a été arrêté pour "subversion", crime passible de la peine de mort. Trois décennies après l’immense bain de sang de 1965, le prolétariat est en mesure de se reconstituer sur une base plus élevée. Son existence est d’ores et déjà un facteur d’instabilité politique. Or l’Indonésie, par sa population et son économie, est le principal pilier de l’ASEAN (Association des nations du Sud-Est Asiatique).

Néanmoins, tous ces différents mouvements sont limités, cadenassés qu’ils sont par les appareils syndicaux et les organisations traditionnelles (en Australie, en Belgique, en Autriche, etc pour reprendre les exemple cités) ou récupérés par des organisations bourgeoises "démocratiques" (Indonésie), des organisations petites-bourgeoises, etc…

Pour submerger ces appareils et organisations, il faut une perspective politique, faute de quoi le mouvement ouvrier, la jeunesse, restent subordonnés à l’État bourgeois : le prolétariat allemand, qui a exprimé sa puissance exceptionnelle, en est une illustration.

Dans une autre situation, avec d’autres traditions, le prolétariat noir d’Afrique du Sud, avec la jeunesse noire, en est une autre. (En ce qui concerne l’Afrique du Sud se reporter à CPS n 64).

LA QUESTION DU PARTI, QUESTION FONDAMENTALE

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Toutes les situations successivement évoquées conduisent inévitablement à poser la question du parti révolutionnaire. C’est sur cette question centrale que depuis des décennies butte la classe ouvrière. C’est l’absence d’un tel parti qui a pesé et qui pèse de manière déterminante dans les développements au sein de l’ex-URSS, en Allemagne comme en France, au Brésil et en Afrique du Sud, etc... En l’absence d’un tel parti, la classe ouvrière et la jeunesse sont totalement livrées aux partis social-démocrates et ex-staliniens, aux appareils syndicaux (mais aussi aux organisations petites bourgeoises, aux organisations cléricales et humanitaires).

Les organisations ouvrières bourgeoises, les appareils syndicaux utilisent toute la panoplie de leur science contre-révolutionnaire pour défendre le capitalisme, protéger la bourgeoisie et l’État bourgeois : refus d’avancer les revendications ouvrières, bousille et dislocation des luttes, politique de division du mouvement ouvrier, front populaire ou union nationale selon la situation, refus d’ouvrir une perspective politique pour la classe ouvrière, refus même d’aller au pouvoir et quand il y sont contraints : utilisation de l’État bourgeois pour combattre la classe ouvrière, pour faire passer les exigences de la bourgeoisie.

Mais en même temps, en l’absence de parti révolutionnaire, la classe ouvrière et la jeunesse sont amenées à essayer de se servir de ces organisations, à les mettre au pouvoir.

Dans certaines situations, en l’absence de parti révolutionnaire mais aussi de partis ouvriers bourgeois traditionnels, des organisations ouvrières peuvent être construites, par exemple le PT brésilien, ou encore Solidarnosc sous la forme particulière d’un syndicat, qui sont en mesure de postuler au pouvoir. Mais il faut rappeler que le PT brésilien a eu comme initiateur des chrétiens de gauche et des transfuges des syndicats officiels (Lula) et que Solidarnosc a dès l’origine été initié et contrôlé par la hiérarchie catholique polonaise.

Mais de telles constructions "spontanées" restent en général dans le cadre bourgeois. La classe ouvrière n’est pas vierge, nulle part. Partout pullulent, fut-ce à l’état de lambeaux, des groupes et organisations ex-staliniennes, social-démocrates, gauchistes, des groupes petits-bourgeois ou cléricaux qui relaient dans la classe ouvrière la pression de la bourgeoisie, son idéologie. Dès lors que se constitue une telle organisation, ils la prennent politiquement en charge, sur une orientation de défense du capitalisme. Ils peuvent aussi prendre les devants, comme aux États-Unis.

La question d’un Labor Party est une question centrale pour le prolétariat américain. L’absence d’un tel parti est une aide considérable à la bourgeoisie pour développer son offensive. La construction d’un tel parti avait été esquissé dans les années 30 parallèlement à une profonde régénérescence du mouvement syndical, mais n’avait pas abouti. Après guerre, la complète soumission de la bureaucratie de l’AFL-CIO à son impérialisme, la dégénérescence du SWP, le poids également des "trente glorieuses" sur le prolétariat américain n’avaient pas permis de reprendre cette construction.

Aujourd’hui la multiplication des attaques contre la classe ouvrière américaine, la paupérisation massive d’une part sans cesse croissante de la classe ouvrière conduit nécessairement à poser la question d’un Labor Party. En outre, la politique violemment anti-ouvrière de l’administration démocrate de Clinton rend plus que jamais insupportable le soutien de la bureaucratie syndicale au parti démocrate (la grande masse des travailleurs américains ne participe pas aux élections américaines). Or, à l’automne 95, la convention annuelle des 78 syndicats de l’AFL-CIO a élu, contre la direction sortante, un nouveau président, John Sweeny, qui s’était présenté sur un programme plus "combatif"... pour ensuite, mener campagne en faveur du candidat Clinton aux élections présidentielles.

Au même moment se menait une importante grève de 32 000 travailleurs de Bœing qui avaient rejeté un premier accord conclu entre leurs représentants syndicaux et la direction de Bœing.

Le mouvement pour un Labor Party a, dans ce cadre, retrouvé une grande actualité. Mais une première concrétisation d’un Labor Party au printemps 96, avec un congrès constitutif et un programme, montre le chemin qui reste à parcourir pour le prolétariat américain. De toute évidence ce premier "labour party" est soigneusement encadré par une poignée de bureaucrates syndicaux, de cagots et de débris du PCA. A preuve le fait que non seulement le programme adopté est à mille années-lumière de toute référence au socialisme, mais tout simplement que le programme adopté a refusé de se prononcer en faveur du droit à l’avortement, droit violemment remis en cause aux USA y compris par l’assassinat de médecins. En outre, ce programme a admis le soutien électoral possible à des candidats issus du parti démocrate américain. Véritable contre-feu, ce Labor Party n’a pas présenté de candidat aux élections. On mesure aujourd’hui le coût politique immense que représente la liquidation du SWP en tant qu’organisation trotskyste, la destruction de la IVe Internationale.

Il existe d’autres prolétariats pour qui la construction d’un parti ouvrier est une question centrale (c’est le cas, notamment, des prolétariats algérien, coréen, mexicain et palestinien). Mais un tel parti ouvrier a besoin d’un programme permettant en particulier de poser et de résoudre la question du pouvoir. Pour impulser et préciser à chaque moment ce programme, pour permettre à un tel parti ouvrier de jouer pleinement son rôle, il faut une avant-garde organisée sur le programme de la révolution prolétarienne : le combat pour un Parti Ouvrier Révolutionnaire ; le combat pour le Parti ouvrier n’a de sens que comme transition, dans la perspective de la construction du POR.

UN PARTI POUR LA PRISE DU POUVOIR

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Résoudre la question du pouvoir, détruire l’État bourgeois et exproprier le capital, entreprendre la construction de l’État ouvrier : pour la classe ouvrière mondiale, il était acquis que cela était une possibilité puisque cela avait été réalisé en 1917. Pour une partie importante du prolétariat, cette perspective --d’une manière ou d’une autre et avec toutes les confusions possibles-- était une nécessité. Aujourd’hui cette conscience a, pour une grande part, disparu ou s’est profondément brouillée.

Toutes les organisations et groupes acharnés à la défense du capitalisme, s’appuyant sur cette situation, tentent de faire revenir la classe ouvrière à un état de conscience politique antérieur même à 1848 : le seul avenir possible doit être le capitalisme. Bien évidemment, ils ne peuvent y parvenir, mais sur cet objectif de grands dégâts peuvent être commis. Cela nous contraint, plus largement que dans le passé, à réintégrer dans notre propagande, dans notre agitation, des analyses et des affirmations que l’on pouvait considérer comme acquises par un grand nombre de travailleurs.

Nous devons marteler que, pour l’essentiel, tout se ramène à la question du pouvoir et réaffirmer avec Marx que "la conquête du pouvoir politique est devenu le premier devoir de la classe ouvrière." (1864).

Cela est d’autant plus vrai aujourd’hui que dans la situation de crise récurrente du capitalisme, de sa marche à la dislocation, toute revendication --qu’elle soit ou non économique-- ne peut être satisfaite qu’en s’affrontant à la question du pouvoir et en la résolvant. Cela implique la nécessité d’un parti :

  • un parti de classe
  • un parti centralisé
  • un parti fondé sur le programme de la révolution prolétarienne
  • un parti mondial de la révolution prolétarienne
C’est cette nécessité là qui est au cœur de l’offensive conduite pour liquider les acquis politiques, théoriques, du mouvement ouvrier.

Liquider la nécessité d’un parti de classe, assujettir la classe ouvrière à la bourgeoisie par le biais d’un parti bourgeois (représentant toute la bourgeoisie ou l’une de ses fractions) n’est pas une nouveauté : Marx et Engels durent mener de sévères polémiques contre de telles opérations visant par exemple à mettre la classe ouvrière à la remorque de "bourgeois instruits et possédants" (lettre à Bebel contre "les trois censeurs de Zurich"), des "grands et petits bourgeois philanthropes".

De même la bureaucratie syndicale de l’AFL-CIO avec les résidus du P.C. américain ont-ils pu jusqu’à aujourd’hui interdire à la classe ouvrière de construire son parti en apportant leur soutien au parti bourgeois "démocrate".

C’est le même projet (inabouti) qui vertèbre le programme de Bade-Godesberg ou, plus tard, les projets de Rocard.

Aujourd’hui toutes les organisations de la classe ouvrière (avec le renfort des ex-gauchistes) ont officiellement cet objectif : faire disparaître les frontières de classe, tout parti "ouvrier" (ouvrier-bourgeois) au profit d’organisations bourgeoises. Mais de l’objectif à la réalisation, il y a loin.

Une offensive complémentaire est donc menée contre la notion même de parti. Ce sont les clubs divers (Delors, Aubry et compagnie ), les "réseaux" multiformes prônés par Philippe Herzog et qu’un Jacques Bidet a commencé à mettre en œuvre.

Cette offensive est ouvertement prise en charge par le SU pabliste qui affirme que "la conception centraliste de l’Internationale, même celle du Komintern de la première période, doit être abandonnée à notre époque". (congrès de juin 95), résolution qui complète celle de 1991 : "la décision de construire une section n’est pas automatique à court ou à moyen terme dans tous les pays".

Bien sûr, mais c’est assez classique, les mêmes contre-révolutionnaires n’hésiteront pas à faire appel aux grandes figures de la révolution, telle celle de Rosa Luxembourg d’avant 1918 ou à Léon Trotsky d’avant 1917.

En effet, les traîtres et les confusionnistes ne prennent que les côtés faibles, les insuffisances, qui n’étaient nullement prépondérantes chez Luxembourg et chez Trotsky.

Ainsi, Luxembourg avait compris bien avant Lénine, le caractère opportuniste de la direction du SPD et de la IIème Internationale. Elle a engagé le combat contre Kautsky dès 1905. Mais elle a refusé, jusqu’en 1918, de rassembler, de manière centralisée, les révolutionnaires allemands, dans une fraction ou un parti qui soit l’équivalent de la fraction ou du parti bolchevik de Russie.

L’expérience historique a prouvé que cette erreur a joué un rôle décisif dans l’échec de la Révolution allemande de 1918-1919.

Combattant contre les positions de Pivert, Trotsky devait déjà rappeler , en juillet 1939 :

" A l’appui de ses vues sur les questions d’organisation (ou plus exactement : en l’absence de vues de ce genre), Pivert cite, bien entendu, Luxembourg. Mais cela ne nous avance guère. Il y a beaucoup à apprendre chez Rosa ; mais ses conceptions en matières d’organisation étaient le point le plus faible de sa position, car en elles se résumaient ses erreurs, dans le domaine politique et théorique. En Allemagne, Rosa ne réussit pas à créer un parti ou une fraction révolutionnaire, et ce fut là une des causes de l’échec de la révolution de 1918-1919.

" Quant au parti polonais de Rosa Luxembourg, il dut, sous l’effet des événements révolutionnaires, se réorganiser sur le modèle bolchevique. Ce sont là des points de l’histoire qui ont beaucoup plus d’importance que des citations !"

Et rappelant ses propres positions de 1904 sur la question du parti, Trotsky indique : "toute mon expérience ultérieure m’a prouvé que, dans cette question, Lénine avait raison contre Rosa Luxembourg ainsi que contre moi." Parce que le parti bolchevique est le seul qui ait conduit une révolution victorieuse, c’est contre les principes même du bolchevisme que se mène l’offensive des agents de la bourgeoisie. En fait : seul le bolchevisme "a su trouver les formes d’organisation qu’exige la lutte révolutionnaire pour le pouvoir . Aussi faut-il le rayer de la conscience ouvrière.

Un exemple récent illustre comment peut-être menée, pour désarmer la classe ouvrière et la jeunesse, une campagne politique combinant le refus de poser la question du pouvoir, le refus de tout combat de classe, le refus de toute organisation ouvrière tant par la forme que par le programme.

CHIAPAS : UNE OPÉRATION AU COMPTE DE LA BOURGEOISIE

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Au départ du mouvement du Chiapas, il y a l’immense misère des populations indiennes broyées par le colonialisme, des lambeaux d’anciens peuples que la politique de l’impérialisme américain et de ses agences conduit aujourd’hui à la pure et simple disparition.

Mais l’histoire a maintes fois montré que les mouvements dits "indigénistes" ont une caractéristique fondamentale qui est de ne jamais poser la question du

pouvoir. Ces sociétés en ruine n’ont aucun avenir, ce sont les restes de formes historiquement dépassées. La seule issue pour ces populations, pour que soient satisfaites leurs revendications (l’expulsion des accapareurs de leurs terres et des mercenaires à la solde de ceux-là, le maintien du travail collectif de la terre, le refus de la parcellisation, etc ) est de lier leur combat celui de la classe ouvrière qui seule peut, avec un parti de type bolchevique résoudre la question du pouvoir.

Or, c’est sur la base d’un tel mouvement des Indiens du Chiapas, au Mexique, qu’a été organisée une armée de Libération zapatiste dont le porte-parole --un dénommé Marcos-- développe une orientation qui constitue un remarquable exemple de désarmement politique de la classe ouvrière, de la jeunesse et par là même des populations indiennes. Bien évidemment toute la presse bourgeoise et une multitude de groupes et d’individus issus du gauchisme, de la petite bourgeoisie mais aussi de la social-démocratie et de l’appareil stalinien, se sont faits les zélés propagandistes du discours de "Marcos". Les organisations religieuses et Danielle Mitterrand sont également de la partie.

Cette "EZLN" a organisé une rencontre, à Berlin, le 2 juin 1996. Une déclaration en est issue.

Adressée à la classe ouvrière et à la jeunesse ?

Pas du tout, mais "à l’opinion publique européenne, aux êtres humains du monde entier" pour leur dire "ya basta !".

S’agit-il d’élaborer, d’avancer un programme contre "l’exploitation, la répression et la destruction des conditions matérielles et écologiques de la vie" ? Que neni ! car "nous n’avons pas l’illusion de connaître le chemin, ni la recette, la solution, la doctrine, la forme d’organisation, capables d’unifier toutes les différences que nous connaissons. Bien au contraire, nous ne voulons d’aucune unification qui nous priverait de notre variété, dans laquelle nous voyons notre force".

Ainsi donc 1 000 personnes venues de 26 pays (chiffre des organisateurs) se seraient réunies pour constater qu’elles n’ont pas de programme et qu’elles n’en veulent pas

Néanmoins, ces "1 000 êtres humains" et les organisateurs ont quelques idées précises : surtout ne pas s’organiser pour en finir avec le capitalisme, pour le socialisme mais se prononcer "contre le libéralisme et pour l’humanité". Aussi ces "être humains" qui n’ont pas de "solution" ont-ils une certitude : surtout ne pas chercher à résoudre la question du pouvoir : "il n’est pas nécessaire de conquérir le monde, il nous suffit de le créer à nouveau. Nous, maintenant".

En fait de manipulation, c’est un modèle. Et cette déclaration organisée à Berlin sept années après que le mur de Berlin a été politiquement abattu est envoyée : "de la jungle métropolitaine de Berlin". Cette formule est l’expression du plus profond mépris pour la classe ouvrière et la jeunesse, de leurs combats, dont Berlin constitue un des hauts lieux.

A la suite de quoi, une nouvelle réunion publique est organisée à La Realidad le 27 juillet, au cur du Chiapas mexicain. C’est ainsi que l’on verra plusieurs milliers d’invités se réunir à l’appel de l’EZLN, l’armée mexicaine ayant reçu du gouvernement mexicain l’ordre de laisser se tenir cette aimable réunion. L’appel initial, faut-il s’en étonner, aura été signé en particulier par Francis Wurtz, responsable des relations extérieures du PCF, qui déclare :

"La révolte du Chiapas n’est pas nostalgique. Elle est très moderne, et sa double exigence de liberté et de démocratie nous convient parfaitement". Et pendant ce temps, la classe ouvrière mexicaine subit les coups les plus brutaux.

Très souvent l’offensive contre le bolchevisme est conduite au nom du "marxisme", c’est-à-dire en dénaturant ce dernier. Tout aussi souvent c’est au nom de Marx explicitement qu’est attaqué le "marxisme". Une illustration récente en a été donnée par le très universitaire "Congrès Marx International", congrès caractérisé en ces termes par l’un de ses participants (René Gallisot) :

"Si l’on regarde la tribune et la salle, ce congrès est un congrès d’anciens combattants, parlement-croupion des intellectuels qui vaticinaient au nom du mouvement ouvrier" (P.U.F, avril 96). Ce congrès a effectivement rassemblé une assez remarquable collection de débris intellectuels issus de l’appareil stalinien et du gauchisme. Mais tous ces gens-là ont un rôle à jouer, pour le compte de la bourgeoisie. Certains d’entre eux sont d’une brutale franchise : "Marx peut être un grand recourt et d’un grand secours contre le marxisme (...) il faut au besoin utiliser Marx contre lui-même", explique Jean-Marie Vincent en séance plénière, auquel fait écho son compère Bidet Jacques, pour qui "la question du socialisme est aujourd’hui entièrement à reprendre" en utilisant pour cela "une critique de Marx au nom de Marx, une critique du socialisme au nom du socialisme", présentée comme "discours positif" (ib page 304).

L’objectif est clair : essayer de liquider tous les acquis théoriques du mouvement ouvrier, imposer une lecture officielle, universitaire, bourgeoise des travaux de Marx, du Capital en particulier, pour interdire la reconstruction du mouvement ouvrier partir de ses acquis théoriques.

Pour Bidet par exemple, c’est au nom du "socialisme" que doit être rejetée l’expropriation du capital, l’étatisation des moyens de production et la planification.

DÉFENSE DU MARXISME, DÉFENSE DU BOLCHEVISME

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La situation actuelle, l’offensive idéologique ci-dessus évoquée, qui n’est pas nouvelle mais qui connaît une ampleur renouvelée, impose au Comité une défense acharnée de son programme, de ses acquis théoriques, une grande attention --à l’échelle de ses forces-- à la formation théorique et à la lutte théorique. Cette question était fondamentale pour Marx et Engels sous l’angle de la nécessaire rigueur révolutionnaire du programme du parti (voir par exemple la "critique du programme de Gotha"). Cette importance de la théorie est le point de départ de Que faire ? : "Sans théorie révolutionnaire pas de mouvement révolutionnaire. on ne saurait trop insister sur cette idée à une époque où l’engouement pour les formes les plus étroites de l’action pratique va de pair avec la propagande à la mode de l’opportunisme", écrit Lénine. Et il rappelle : "Les remarques faites par Engels en 1874, sur l’importance de la théorie dans le mouvement social-démocrate. Engels reconnaît à la grande lutte de la social-démocratie non pas deux formes (politique et économique) - comme cela se fait chez nous - mais trois, en mettant sur le même plan la lutte théorique". Cette importance de la lutte théorique, Trotsky lui a également fait toute sa place. Rappelant que "le marxisme a trouvé son expression historique la plus élevée dans le bolchevisme" et que "le bolchevisme est la seule forme possible du marxisme" notre époque, Trotsky indique "un des traits principaux du bolchevisme a été son attitude sévère, exigeante et même querelleuse sur les questions de doctrine (...) sans cette qualité fondamentale, le bolchevisme n’aurait jamais rempli son rôle historique".

, De ce rapport entre la théorie et son rôle historique, sa "pratique", Trotsky précise également :

"Le parti bolchevique n’a pu réaliser ce magnifique travail "pratique" que parce qu’il fut à chaque pas éclairé par la théorie. Le bolchevisme n’a pas créé cette théorie : elle lui a été fournie par le marxisme. Mais le marxisme est la théorie du mouvement, pas de la stagnation. Seuls des événements à une échelle historique énorme pouvaient enrichir la théorie elle-même. Le bolchevisme a fait au marxisme une contribution précieuse avec son analyse de l’époque impérialiste comme l’ère des guerres et des révolutions ; de la démocratie bourgeoise à l’époque du déclin de l’impérialisme ; de la corrélation entre la grève générale et l’insurrection ; du rôle du parti, des soviets et des syndicats dans la période de la révolution prolétarienne ; avec sa théorie de l’État soviétique, de l’économie de transition, du fascisme et du bonapartisme à l’époque du déclin du capitalisme ; et finalement avec son analyse de la dégénérescence aussi bien du parti bolchevique lui-même que de l’État soviétique.

(…) Seuls les fondateurs de la IVe Internationale, qui ont fait leur toute la tradition de Marx et de Lénine, ont, vis-à-vis de la théorie, une attitude de sérieux . (Bolchevisme et stalinisme - 29 août 1937 - uvres, page 357).

La destruction de la IVe Internationale, la destruction de l’organisation qui combattait pour la reconstruction de la IVe Internationale, constituent un coup pour le mouvement ouvrier qu’on ne saurait sous estimer.

La mort de la IVème Internationale, des organisations qui combattaient pour sa reconstruction, constitue un approfondissement de la crise de direction révolutionnaire à l’échelle mondiale.

Elle contribue à renforcer le désarroi et la confusion politique dans les rangs du prolétariat, en particulier dans une situation où le capitalisme a été restauré en ex-URSS et en Europe de l’Est.

Elle contribue également au maintien, à la direction du mouvement ouvrier, des vieilles directions traîtres, social-démocrate et ex-stalinienne.

Elle contribue enfin à la survie d’organisations se réclamant formellement du marxisme, par exemple le " Secrétariat unifié ", organisations qui sont autant d’obstacles à la construction de l’Internationale ouvrière révolutionnaire, de partis ouvriers révolutionnaires.

Le Comité se considère comme l’héritier de ce combat organisationnel, dont il entend défendre tous les acquis théoriques. L’intervention pratique dans la lutte des classes est inséparable de la défense de ses acquis.

"Seul un parti guidé par une théorie d’avant-garde peut remplir le rôle combattant d’avant-garde" (Que faire, page 80). C’est ainsi que le Comité est la seule organisation qui se soit prononcée clairement (et ait combattu dans la mesure de ses forces) sur, entre autres, les positions suivantes :
  • retrait inconditionnel des troupes impérialistes, en tout premier lieu des troupes françaises (au moment de la guerre du Golfe), à bas l’embargo !
  • retrait inconditionnel des troupes impérialistes, des troupes françaises, de l’ex-Yougoslavie, à bas toute intervention !
  • pour le pouvoir noir en Afrique du Sud, pour la destruction de l’État bourgeois blanc, pour l’expropriation du capital
  • pour la destruction de l’État d’Israël (et des États artificiels de Jordanie et du Liban), pour un Gouvernement Ouvrier er Paysan de Palestine
  • pour la réunification inconditionnelle de l’Allemagne. Etc…
De telles prises de positions, de tels combats, passés et à venir, sont constitutifs du combat pour la reconstruction du mouvement ouvrier sur un nouvel axe : celui de la Révolution prolétarienne ; du combat pour une Internationale Ouvrière Révolutionnaire se situant sur le programme de la révolution socialiste.

QUELQUES CONCLUSIONS

Sommaire
L’ensemble de l’analyse contenue dans ce rapport amène aux conclusions suivantes :
  • il faut le constater : désormais dans les pays de la partie Est de l’Europe, de l’ex-URSS, en Russie le mode de production dominant est, à nouveau, le mode de production capitaliste ; dans les pays de l’ex-URSS, et de la partie Est de l’Europe la révolution sera sociale comme dans les autres pays ;
  • la restauration capitaliste est une défaite pour tous les prolétariats qui en sont politiquement désarmés, d’autant plus que les PS, les partis social-démocrates, les ex-PC font campagne contre la révolution, contre le socialisme et le communisme ;
  • (la Chine exige une analyse particulière) ;
  • le prolétariat n’engage et n’engagera pas moins de puissants combats qui souvent posent et poseront objectivement la question du pouvoir ;
  • l’effondrement de l’URSS, la dislocation des régimes bureaucratiques, l’éclatement des bureaucraties parasitaires et contre-révolutionnaires, la restauration capitaliste ont modifié les rapports inter-impérialistes. Ainsi l’impérialisme allemand est redevenu prépondérant par rapport aux autres impérialismes européens. Mais surtout l’impérialisme américain est devenu la seule puissance mondiale qui vise à redevenir hégémonique par rapport aux autres puissances impérialistes.
Cependant l’ensemble du système capitaliste fait entendre des craquements redoutables. Son point le plus faible est sans doute l’énorme accumulation de capital-argent qui, pour l’essentiel est du capital fictif. De ce point de vue

l’impérialisme le plus menacé est la seule puissance mondiale, l’impérialisme américain. Pour utiliser une formule banale c’est "un colosse aux pieds d’argile". Son endettement en témoigne. La perspective pour le régime capitaliste c’est une crise sans précédent dépassant de loin celle des années 1930.

  • La baisse du taux de profit, la crise qui s’annonce imposent au capital une offensive d’une brutalité sans précédent depuis les années 30 contre le prolétariat dans son ensemble dont Reagan et Thatcher ont donné le signal et à laquelle les candidats à la prochaine élection à la présidence de la République (Clinton et Bole). donnent une nouvelle impulsion.
  • Encore que les rapports politiques présentent de pays à pays des différences considérables, ce n’est qu’avec la complicité active des organisations ouvrières traditionnelles que les gouvernements des grandes puissances impérialistes peuvent mener avec succès leur offensive ultra-réactionnaire contre le prolétariat et la jeunesse. Mais ce qui est exclu à échéance prévisible c’est que le prolétariat soit politiquement écrasé comme ce fut le cas dans nombre de pays d’Europe au cours des années 30.
  • La perspective dans laquelle doit s’inscrire l’action politique de construction de partis ouvriers révolutionnaires et de l’Internationale ouvrières révolutionnaire est celle d’une crise économique, sociale et politique sans précédent, par suite de l’incapacité du capital de maîtriser la marche à une crise dislocatrice, de remporter des victoires écrasantes sur le prolétariat et l’incapacité du prolétariat à vaincre la bourgeoisie sans partis et internationale révolutionnaires.
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Table des Matières :
1. UNE NOUVELLE PERSPECTIVE
SITUATION, CRISE, RÉVOLUTION DANS LES PAYS CAPITALISTES
CRISE, SITUATION RÉVOLUTIONNAIRE, RÉVOLUTION, EN EUROPE DE L’EST
L’ANNÉE 1989
DES MOUVEMENTS COMPLEXES ET CONTRADICTOIRES
LA DIRECTION DES MOUVEMENTS DE LA PARTIE EST DE L’EUROPE
EN U.R.S.S.
LA GRÈVE DES MINEURS : 11 AU 26 JUILLET 1989
LA BUREAUCRATIE NÉGOCIE
CONTENU DE L’ACCORD
CONCESSIONS FAITES AUX MINEURS
A L’EST DE L’EUROPE, LES EX-PC REFONT SURFACE
L’IMPÉRIALISME A BESOIN DES EX-PC
RUSSIE : ELTSINE RÉÉLU PRÉSIDENT
LA CRISE DEMEURE
LA CRISE S’ACCÉLÈRE (6-16 AOÛT 1996)
LIMITE DES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS
LA NATURE SOCIALE DE CES ÉTATS
LE CAPITALISME RESTAURÉ
LA BUREAUCRATIE EXPROPRIE LE CAPITAL DANS LES PAYS DE L’EST DE L’EUROPE
UNE POLITIQUE ABERRANTE ET AVENTURISTE
GORBATCHEV CAPITULE DEVANT L’IMPÉRIALISME
LA QUATRIÈME INTERNATIONALE
LE PABLISME
LA IVÈME INTERNATIONALE APRÈS L’ASSASSINAT DE TROTSKY
MOMENTS DE "DÉTENTE"
RÉPERCUSSION SUR LES PROLÉTARIATS DES PAYS CAPITALISTES
DÉSARROI OUVRIER ET BAD-GODESBERG GÉNÉRALISÉ
LES PC
"DÉPASSER LE CAPITALISME"
LA CARACTÉRISATION DU "STALINISME"
AUX CÔTÉS DES PARTIS OUVRIERS-BOURGEOIS...
DANIEL BENSAÏD ÉDUQUE POLITIQUEMENT LA JEUNESSE...
2. L’IMPÉRIALISME EN CRISE
LA PROSPÉRITÉ, SES LIMITES, SES CONTRADICTIONS : AU BOUT LA CATASTROPHE
DU PLAN CARTER "AU PRIME RATE" À 21%
RIVALITÉS INTER-IMPÉRIALISTES
OÙ EN EST "L’UNION EUROPÉENNE"
UNE OFFENSIVE TOUT AZIMUT CONTRE LA CLASSE OUVRIÈRE
POUR LES ÉTATS UNIS SOCIALISTES D’EUROPE
SOUS LE FEU DE L’OFFENSIVE AMÉRICAINE
L’OMC, AUTRE CAVERNE DE BRIGANDS
3. LA LUTTE DES CLASSES MOTEUR DE L’HISTOIRE
NULLE PART LE PROLÉTARIAT N’EST ECRASÉ
DE NOUVEAU SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE : QUELQUES DONNÉES RÉCENTES
MAINTIEN DES GRANDS DÉSÉQUILIBRES
UN HIMALAYA DE DETTES
SPÉCULATION ET IVROGNERIE
UNE OFFENSIVE GÉNÉRALISÉE
OFFENSIVE AUX ÉTATS UNIS
EUROPE : QUELQUES NOUVEAUX GOUVERNEMENTS, UN MÊME PROGRAMME
AUCUNE POSITION ACQUISE N’EST A L’ABRI
OFFENSIVES EN AMÉRIQUE LATINE
LE PROLÉTARIAT EST PRÊT A ENGAGER LE COMBAT
AUTRES COMBATS
LA QUESTION DU PARTI, QUESTION FONDAMENTALE
UN PARTI POUR LA PRISE DU POUVOIR
CHIAPAS : UNE OPÉRATION AU COMPTE DE LA BOURGEOISIE
DÉFENSE DU MARXISME, DÉFENSE DU BOLCHEVISME
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